LE COUT D’UNE INJUSTICE
LE COUT D’UNE VIE VOLEE

En novembre 2013, l’assurance militaire (SUVA) proposait de verser, à mon épouse et à moi-même, la somme de CHF 27’000.- chacun, ainsi que CHF 9’000.- à notre second fils, à titre de réparation du tort moral. Cette proposition faisait suite au rapport de clôture du Juge d’Instruction militaire, lequel excluait toute faute des médecins.

En juin 2014, bien que la procédure pénale civile en était à ses débuts, la SUVA statuait définitivement à l’octroi, à mon épouse et moi, de CHF 33’000.- chacun, ainsi que CHF 11’000.- à notre autre fils. En juillet 2014, opposition a été faite à cette décision par notre Conseil, qui demandait, entre autres, de nous réserver le droit de chiffrer le dommage final à l’issue de la procédure pénale, que les frais d’avocat de l’époque (CHF 50’000.-) soient pris en charge à titre de réparation provisoire, et à verser, à mon épouse et à moi-même, la somme de CHF 60’000.- chacun, ainsi que CHF 30’000.- à notre autre fils.

Cette opposition ayant été rejetée en juin 2015, nous avons fait recours auprès de la Chambre des assurances sociales de la Cour de Justice de Genève, sans plus de succès.

L’argent de la SUVA (mis à part les CHF 11’000.- attribués à notre second fils) a alors été directement versé sur le compte de notre avocat, à notre demande et en prévision du règlement de ses honoraires.

Lorsque nous avons activé la justice, le paramètre « dédommagement » n’avait pas la moindre importance. Mais il faut bien savoir que pour tout citoyen, l’accès à la justice – voire à l’injustice ! – est le plus souvent lié à sa situation financière. Sans une assurance de protection juridique qui a pris en charge près de CHF 45’000.- de frais d’avocat au début de la procédure, le fait de pouvoir compter à terme sur l’argent de la SUVA et une aisance financière toute relative, cette justice-là aurait déjà eu raison de nous depuis fort longtemps.

En janvier 2019, alors que les honoraires de notre Conseil s’élevaient à CHF 95’415.-, le Procureur vaudois a décidé que seule une indemnité de CHF 32’000.- nous serait versée à parts égales par les deux médecins, montant correspondant à ce que chacun d’eux avait demandé à titre d’indemnisation. Le magistrat nous a reproché une surfacturation de nos frais d’avocat, due notamment à l’application de tarifs horaires genevois nettement supérieurs aux vaudois et à des recherches juridiques considérées comme largement excessives.

Dans son arrêt du 4 mars 2019, alors que nous avions baissé nos prétentions à CHF 51’300.- (mais que nos frais d’avocats avaient encore augmenté), la Chambre des recours pénale a réduit notre indemnité à CHF 16’000.-, estimant que le Dr. Y. n’avait rien à nous verser, aucun lien de causalité entre le fait qu’il n’ait pas informé Nils de son problème cardiaque et son décès n’ayant pu être établi. Malgré notre recours, le Tribunal fédéral est resté sur cette position. Outre le fait que le Dr. Y. n’ait pas à nous dédommager, il est révoltant que les juges fédéraux aient refusé de voir que depuis le début de cette affaire, par des recours répétés, nous n’avons cessé de nous battre contre la partialité des justices militaire et vaudoise, contrairement aux deux médecins qui, eux, ne bénéficiaient clairement pas que du soutien de leurs avocats respectifs. Estimer donc nos frais similaires aux leurs relève, une fois de plus, de la totale injustice.

En substance :

  • Nous avons perdu un fils, un frère, en raison de la négligence coupable de deux médecins de l’armée suisse,
  • La justice militaire puis la justice vaudoise ont tout fait pendant des années pour que ces deux médecins échappent à la moindre condamnation,
  • Les juges fédéraux n’ont pas pris leurs responsabilités en refusant que justice puisse être malgré tout rendue,
  • Nous n’avons jamais pu obtenir des autorités judiciaires la si importante reconnaissance du statut de victime,
  • En décomptant  l’indemnisation de la SUVA (CHF 66’000.-), le remboursement de frais de justice et le versement d’indemnités fixées soit par la Chambre des recours pénale soit par le Tribunal fédéral (CHF 10’342.-), l’indemnité qui doit nous être versée par le Dr. X.  (CHF 16’000.-), nous allons devoir payer de notre poche, en prenant en compte la note d’honoraires finale (CHF 110’942.-) et les frais de justice à notre charge (CHF 10’190.-),  la somme de CHF 28’790.-,
  • Le Dr. Y., également à l’origine du décès de notre fils et qui avait clairement reconnu son erreur devant le Procureur vaudois, va être, lui, indemnisé à hauteur de CHF 32’000.-, soit le double de nous, victimes  !!!  Sans parler de ses frais d’avocat probablement pris en charge par l’armée …

En plus de se demander s’il est encore opportun de recourir à la justice plutôt que de la rendre eux-mêmes, les citoyens de ce pays peuvent maintenant comprendre ce que vaut la vie d’un jeune Suisse de 20 ans, mort sous les drapeaux par la négligence de deux médecins militaires.