LA PROCEDURE PENALE CIVILE (suite)

Décembre 2017 – Mars 2019

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05.12.2017 :  Transmission à notre avocat par la Chambre des recours pénale de son arrêt du 9 novembre 2017.

Suite à la décision du Tribunal fédéral, la Chambre des recours pénale prononce que :

  1. Le recours est admis.
  2. L’ordonnance du 29 août 2016 est annulée et le dossier de la cause renvoyée au Ministère public central, division affaires spéciales, pour qu’il procède dans le sens des considérants.
  3. Les frais de la procédure de recours de CHF 2’750.- sont laissés à la charge de l’Etat.
  4. Un montant de CHF 2’592.- est alloué aux plaignants, solidairement entre eux, à titre d’indemnité pour la procédure de recours, à la charges des Dr. X. et Y., solidairement entre eux.
  5. L’arrêt est exécutoire.

08.12.2017 :  Courrier de notre avocat au Procureur vaudois. En substance, au vu de son classement d’août 2016 et de l’arrêt du Tribunal fédéral de novembre 2017, nous nous demandons s’il dispose toujours de l’impartialité nécessaire pour continuer et compléter l’instruction de la cause. Par conséquent, nous requérons qu’il se détermine sur ce point.

En outre, compte tenu des nombreuses contradictions de l’expert médical dans son expertise et lors de son audition, de son clair parti pris en faveur des prévenus, nous considérons qu’il a perdu toute crédibilité et ne revêt pas les qualités nécessaires pour répondre aux questions complémentaires soulevées par le Tribunal fédéral. En conséquence, nous demandant que cette mission soit confiée à un autre expert. Nous sollicitons que les parties soient admises à se déterminer sur ce point et à proposer des noms d’experts à même de mener à bien cette expertise. Nous proposons le nom d’un Professeur français considéré comme l’un des meilleurs spécialistes mondiaux des problèmes du rythme cardiaque.

13.12.2017 : Courrier du Procureur vaudois à notre avocat. Il lui demande s’il doit considérer le courrier du 8 décembre 2017 comme une demande de récusation.

21.12.2017 : Courrier de notre avocat au Procureur vaudois.Il lui indique que nous n’avons jamais évoqué la révocation et constate qu’il n’a pas répondu à notre question du 8 décembre 2017 quant à son impartialité.

10.01.2018 : Courrier du Procureur vaudois à notre avocat. Il prend note que nous ne demandons pas sa récusation (continuant à ne pas répondre à notre question) et demande si nous requérons celle de l’expert médical.

22.01.2018 : Courrier de notre avocat au Procureur vaudois. Il confirme notre demande de récusation de l’expert.

23.01.2018 : Courrier du Procureur vaudois à la Chambre des recours pénale pour l’informer que nous demandons la récusation de l’expert.

24.01.2018 :   Courrier de la Chambre des recours pénale à l’expert afin qu’il puisse se déterminer, s’il le souhaite, sur notre demande de récusation.

30.01.2018 :  Courrier de l’avocat du Dr. X. à la Chambre des recours pénale afin que notre demande de récusation soit rejetée. Il argumente que notre requête est bien trop tardive et ne contient aucun élément factuel qui correspond aux motifs de récusation de l’art. 56 du Code de procédure pénale.

05.01.2018 : Courrier de notre avocat à la Chambre des recours pénale faisant suite au courrier précédent. Il précise que notre demande de récusation porte exclusivement sur la mission complémentaire d’expertise et qu’il n’est pas question de refaire ou de remplacer l’expertise existante.

05.02.2018 :  Transmission par la Chambre des recours pénale à notre avocat des déterminations de l’expert, suite à une notre demande de récusation. Dans les grandes lignes, il affirme avoir conduit son expertise avec bonne foi et en toute impartialité. Compte tenu du contexte tragique de ce dossier, il n’a cependant aucune opposition à ce que celui-ci soit transféré à un autre expert.

15.02.2018 :  Réception par notre avocat de l’arrêt de la Chambre des recours pénale du 7 février 2018 concernant notre demande de récusation. Il est prononcé que :

  1. La demande de récusation présentée le 8 décembre 2017 contre l’expert est irrecevable (étant jugée trop tardive).
  2. Les frais de la procédure de récusation, par CHF 660.-, sont mis à la charge des plaignants, par moitié chacun et solidairement entre eux.
  3. La décision est exécutoire.

15.02.2018 : Avis aux parties émanant du Procureur vaudois :

«  Maîtres,

 Après réexamen du dossier précité suite au retour de la Chambre des recours pénale, il m’apparaît que l’action pénale à l’encontre des prévenus pourrait être prescrite. Dans sa teneur en vigueur au moment des faits reprochés aux prévenus et jusqu’au 31 décembre 2013, l’art. 97 al. 1 let. a CP (Code pénal) prévoyait un délai de prescription de sept ans. Il semble qu’en vertu du principe de la lex mitior, c’est ce délai de sept ans et non celui de 10 ans prévu par le texte actuel qui devrait être appliqué. Or, les faits en cause remontent au 10 février 2011 et, selon l’art. 98 let. a CP, le point de départ de la prescription est le jour où l’auteur a exercé son activité coupable.

Au vu de ce qui précède, je souhaite recueillir vos déterminations à propos de la prescription de l’action pénale avant de procéder à de nouvelles opérations d’enquête. Une réponse d’ici au 5 mars m’obligerait ».

A la demande des parties, ce délai est repoussé au 20 mars 2018.

22.03.2018 :  Courrier de l’avocat du Dr. Y. au Procureur vaudois pour l’informer que l’action pénale s’est irrémédiablement prescrite le 11 février 2018.

26.03.2018 :  Courrier de l’avocat du Dr. X. au Procureur vaudois pour l’informer, qu’indépendamment du fait que son client ne porte aucune responsabilité pénale dans cette affaire, le constat selon lequel l’action pénale est prescrite s’impose.

26.03.2018 :  Courrier de notre avocat au Procureur vaudois.

Sur la base d’arguments juridiques complexes développés par le Tribunal fédéral, il affirme que l’ordonnance de classement d’août 2016 prononcée par le Procureur vaudois a interrompu la prescription.

De plus, il considère que la mise en prévention des prévenus devra être complétée sur la base de l’art. 127 du Code pénal suisse, soit mise en danger de la vie ou de la santé d’autrui, la prescription pour cette infraction arrivant à échéance le 10 février 2026.

19.04.2018 : Transmission par le Procureur vaudois à notre avocat d’un avis de prochaine clôture. Il y est précisé qu’il entend rendre une ordonnance de classement pour homicide par négligence et que les frais de la procédure pourraient être mis à la charge des deux médecins.

Un délai au 9 mai 2018, repoussé à la demande des avocats de la défense au 11 juin 2018, est laissé pour d’éventuelles réquisitions de preuve.

09.05.2018 :  Courrier de notre avocat au Procureur vaudois. Nous réitérons notre opposition au prononcé d’une ordonnance de classement, pour les motifs déjà exposés, et requérons que les actes d’instruction complémentaire ordonnés par le TF et la Chambre de recours pénale sont effectués.

09.05.2018 :  Courrier de notre avocat au Procureur vaudois. Bien qu’opposés au classement de l’affaire mais dans l’hypothèse où celui-ci est prononcé, nous déposons, dans le délai imparti, une requête en indemnisation de nos dépenses obligatoires occasionnées par la précédente procédure.

En substance, nous demandons au Ministère public de condamner les Dr. X. et Y., pris conjointement et solidairement, à nous verser la somme de CHF 95’415.- représentant nos frais d’avocat, plus intérêts à 5%, dès le prononcé de la décision du Ministère public, à titre d’indemnité au sens de l’art 433. Al. 1 let. b CPP.

11.06.2018 :  Courrier de l’avocat du Dr. X. au Procureur vaudois. Selon lui, force est de constater que le complément d’instruction imposé par le Tribunal fédéral n’a plus lieu d’être, compte tenu de la prescription de l’action pénale. Dans ces circonstances, un nouveau classement s’impose, à ce stade déjà.

L’avocat rappelle une nouvelle fois que le Dr. X. n’a rien à se reprocher dans cette affaire et que si le Ministère public devait néanmoins astreindre son client à la prise en charge des frais, la décision devrait être limitée aux frais de procédure arrêtés dans l’ordonnance de classement du 29 août 2016, vu qu’il ne s’y est pas opposé et qu’il n’est pas à l’origine de tous les actes procéduraux subséquents.

Par ailleurs, son client fait valoir, à titre d’indemnité pour l’exercice raisonnable de ses droits de procédure, le montant de ses frais d’avocat, soit CHF 23’922.45.

Toujours selon l’avocat, le Dr. X. ne devrait légalement pas être soumis au paiement de nos frais d’avocat. Si toutefois cela devrait être le cas, il demande à ce que la note de frais et d’honoraires déposée par nos soins soit réexaminée, notamment en raison du tarif horaire de notre Conseil.

11.06.2018 :  Courrier de l’avocat du Dr. Y. au Procureur vaudois. Il demande que son client se voie allouer une indemnité à hauteur du montant total de ses honoraires et débours.

28.01.2019 :  Transmission à notre avocat par le Ministère public central de l’ordonnance de classement du Procureur vaudois (Alors que ce dernier avait fait part mi-février 2018 de sa volonté de classer l’affaire, il aura donc fallu près d’une année pour qu’il rende finalement son ordonnance !!!). Hormis les faits exposés, en voici la teneur :

Motivation (art. 319 ss CP)

1. L’art 319 al. 1 CPP énumère les cas dans lesquels le Ministère public est impérativement tenu de classer la procédure et d’abandonner la poursuite des personnes concernées. Selon l’art. 319 al. 1 let. d CPP, le Ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu’il est établi que certaines conditions à l’ouverture de l’action pénale ne peuvent être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus. La prescription de l’action pénale constitue l’un de ces empêchements. La question de la prescription doit être examinée d’office à chaque étape de la procédure (ATF 139 IV 62c. 1, JdT 2014 IV 45).

En vertu de l’art. 97 al. 1 let. c CP, en vigueur depuis le 1er janvier 2014, l’action pénale se prescrit par dix ans lorsque la peine maximale encourue est de trois ans, ce qui est cas de l’infraction d’homicide par négligence. Dans sa teneur en vigueur au moment des faits reprochées aux prévenus et jusqu’au 31 décembre 2013, l’art 97 al. 1 let. c aCP prévoyait un délai de prescription de sept ans pour l’infraction considérée.

En vertu du principe de la lex mitior (cf. art. 2 al. 2 et 389 CP; ATF 134 IV 82 consid. 6.2 p. 87 ss et 129 IV 49 consid. 5.1. p. 51) la prescription de l’action pénale la plus favorable au prévenu est applicable, à savoir sept ans.

En l’espèce, la négligence reprochée aux Dr. X. et Y. a eu lieu a lieu lors du recrutement de Nils Jordan, en date du 10 février 2011. Le délai de prescription de l’action pénale au moment des faits, soit sept ans, étant plus favorable aux prévenus, c’est l’art. 97 al. 1 let. c a CP qui trouve application.

Selon l’art. 98 let. a CP, le point de départ de la prescription est le jour où l’auteur a exercé son activité coupable. Elle a donc commencé à courir le lendemain du recrutement et a été acquise le 11 février 2018.

2. Les plaignants requièrent que le Ministère public constate que la prescription a été interrompue par l’ordonnance de classement du 29 août 2016. Selon l’art. 97 al. 3 CP, la prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu. Selon un ATF 139 IV 62 (6B_771/2011, JdT 2014 IV 44), sont des jugements de première instance au sens de l’art. 97 al. 3, au-delà desquels la prescription ne court plus, non seulement les prononcés de condamnation, mais également ceux d’acquittement.

Aux termes de l’art. 320 al. 4 CPP, une ordonnance de classement entrée en force équivaut à un acquittement. Toutefois, cette assimilation ne se conçoit pas sans nuance, puisqu’une ordonnance de classement n’émane pas d’un Tribunal, mais du Ministère public. De surcroît, l’art. 323 CPP permet de revenir sur un classement à des conditions moins rigoureuses que celles qui prévalent pour la révision d’un jugement entré en force (ATF 144 IV 81 c. 2.3.5).

En l’espèce, l’ordonnance du 29 août 2016 n’est pas entrée en force et ne peut ainsi être assimilée à un acquittement au sens de l’art. 320 al. 4 CPP.

En tout état de cause, une ordonnance de classement (art. 319 ss CPP) – respectivement de non-entrée en matière (art. 310 CPP) – n’interrompt pas la prescription de l’action pénale en application de l’art. 97 al. 3 CP (6B_614/2015 c. 2.2).

3. Les plaignants requièrent que le Ministère public étende la prévention à l’exposition.

L’art. 127 CP punit d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui, ayant la garde d’une personne hors d’état de se protéger elle-même ou le devoir de veiller sur elle, l’aura exposée à un danger de mort ou à un danger grave et imminent pour la santé, ou l’aura abandonnée à un tel danger. L’infraction est intentionnelle. Le dol éventuel suffit.

Conformément à l’art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L’auteur agit déjà intentionnellement lorsqu’il tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où celle-ci se produirait (dol éventuel). Le dol éventuel suppose que l’auteur, qui ne veut pas le résultat dommageable pour lui-même, envisage le résultat de son acte comme possible et l’accepte au cas où il se produirait (ATF 133 IV 9 consid. 4.1 p. 16; 131 IV 1 consid. 2.2 p. 4 ss; 130 IV 58 consid. 8.2. p. 61).

En l’espèce, on ne distingue pas au dossier d’éléments amenant à penser que les Dr X. et/ou Y. ont envisagé le décès de Nils Jordan comme possible et l’ont accepté pour le cas où il se produirait. Tout indique au contraire que l’on est en présence d’une négligence. Dans ces conditions, étendre la prévention à l’exposition ne se justifierait pas.

Au vu de ce qui précède, l’affaire est prescrite et une ordonnance de classement doit être rendue.

Effets accessoires du classement

1. L’art. 426 al. 2 CPP prévoit que, lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.

S’agissant du Dr. X., l’ordonnance de classement du 26 août 2016 retient qu’il a  commis une négligence en déclarant Nils Jordan apte au service suite à une erreur de diagnostic. Selon l’arrêt de la CREP du 5 décembre 2016, il est passé outre le devoir de prudence qui lui imposait d’ordonner des examens complémentaires. Dans son arrêt du 19 octobre 2017, le Tribunal fédéral rappelle la position de l’autorité précédente à ce sujet sans la critiquer.

En ce qui concerne le Dr. Y., l’ordonnance de classement du 26 août 2016 ne retient pas de négligence à son encontre. L’arrêt de la CREP du 5 décembre 2016 expose que sa responsabilité est plus délicate que celle du Dr. X. Après avoir rappelé qu’il avait débuté récemment, qu’il s’était fondé sur le respect de la hiérarchie en n’ordonnant pas de son propre chef des examens auxquels son supérieur avait laissé entendre que l’on pouvait renoncer et qu’il n’avait pas connaissance de l’entrée en vigueur des nouvelles normes, l’arrêt ajoute que l’on peut néanmoins se demander si, en qualité de médecin, il n’aurait pas dû s’interroger sur la nécessité de soumettre l’ECG à un spécialiste. Il laisse toutefois la question ouverte au vu des motifs du classement. Dans son arrêt du 19 octobre 2017, le Tribunal fédéral paraît en revanche retenir à la charge du Dr. Y. une violation des devoirs de la prudence par le défaut de toute information donnée à Nils Jordan. Le Ministère public prend acte du raisonnement du Tribunal fédéral et, partant, retiendra une violation des devoirs de la prudence de la part du Dr. Y.

Les violations des devoirs de la prudence précitées sont en relation de causalité avec l’ouverture de l’enquête. Les frais doivent donc être mis à la charge des prévenus.

2. La question de l’indemnisation du prévenu (art. 429 CPP) doit être traitée en relation avec celle des frais (art. 426 CPP). Si le prévenu supporte les frais en application de l’art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue. En revanche, si l’Etat supporte les frais de la procédure pénale, le prévenu a en principe droit à une indemnité  selon l’art. 429 CPP (ATF 137 IV 352. consid. 2.4.2 p. 357). Pour les même raisons que celles invoquées ci-dessus, une indemnité de l’art. 429 CPP doit être refusées au prévenus.

3. L’art. 433 al. 1 CPP permet à la partie plaignante de demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu’elle obtient gain de cause (let. a) ou lorsque le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art 426 al. 2 CPP (let. b).

En l’espèce, la demande des plaignants est fondée dans son principe, mais paraît excessive dans sa quotité. Il y a lieu de relever la différence importante entre le montant de l’indemnité demandée par les plaignants à titre d’indemnité 433 al. 1 CPP, par CHF 95’415.-, et ceux demandés par les prévenus à titre d’indemnité 429 al. 1 let. a CPP, par CHF 29’922.45 pour le Dr. X. et par CHF 32’065.20 pour le Dr. Y. Bien que fondés sur des bases légales différentes, les montants requis sont censés indemniser les parties pour les frais et honoraires d’avocat dans la même affaire.  On trouve dans la requête d’indemnisation des opérations en lien avec la procédure militaire qui n’ont pas à être indemnisées dans la présente procédure. On y trouve également des opérations liées aux procédures de recours pour lesquelles le Tribunal fédéral et la CREP ont déjà allouées des dépens. S’agissant du recours au Tribunal fédéral, les parties plaignantes requièrent l’allocation d’un montant de CHF 25’832.- TVA comprise, alors que l’indemnité de dépens allouée par le Tribunal fédéral a été arrêté à CHF 3’000.-. Les quatre premières notes de frais et d’honoraires produites sous pièces 114 annexes 1 à 4 ne comportent pas le détail de temps accordé à chaque opération. Elles mêlent les vacations avec les opérations facturées au tarif de l’avocat. Elles comportent une réunion avec le divisionnaire (médecin-chef de l’armée) qui paraît en lien avec le décès de Nils Jordan, mais qui a eu lieu hors la présente procédure. Enfin, le tarif horaire appliqué de CHF 400.- pour un avocat collaborateur et CHF 500.- pour un avocat associé excède ce que prévoit l’art.  26a du Tarif des frais de procédures et indemnités en matière pénale.

Dans le cadre de la fixation de l’indemnité de l’art. 433 CPP, le Ministère public ne peut pas faire porter sur les prévenus le choix des parties plaignantes de recourir aux services d’un conseil aux tarifs élevés. Au vu de la requête d’indemnisation présentée, le montant ne peut être fixé qu’en statuant ex aequo et bono. L’indemnité de l’art. 429 CPP la plus élevée requise par la défense est de quelque CHF 32’000.-, il se justifie de prendre ce montant comme référence pour le total de l’indemnité de l’art. 433 CPP. Partant, c’est une somme de CHF 16’000.- qui sera mise à la charge de chacun des prévenus à ce titre.

Séquestre

Au vu du classement prononcé, il convient de lever le séquestre portant sur le dossier médical du défunt et d’en ordonner la restitution au CHUV.

Décision

Le Procureur :

I. ordonne le classement de la procédure pénale dirigée contre les Dr. X . et Y. pour homicide par négligence ;

II. rejette les conclusions des Dr. X. et Y. tendant à l’allocation d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP ;

III. dit que le Dr. X. est débiteur de la somme de CHF 16’000.-, valeur échue, à titre d’indemnité à forme de l’art. 433 al. 1 CPP à Sylvianne et Bernard Jordan ;

IV. dit que le Dr Y. est débiteur de la somme de CHF 16’000.-, valeur échue, à titre d’indemnité à forme de l’art. 433 al. 1 CPP à Sylvianne et Bernard Jordan ;

V. ordonne la restitution au CHUV du dossier médical de Nils Jordan ;

VI. met la moitié des frais de procédure, par CHF 3’784,75 à la charge du Dr. X et l’autre moitié, par CHF 3’784.75 à la charge du Dr. Y.

08.02.2019 :  Recours contre l’ordonnance de classement adressé par notre avocat à la Chambre des recours pénale. 

I. Ordonnance querellée

Le recours est dirigé contre l’ordonnance de classement, rendue par le Ministère public central le 28 janvier 2019 dans la procédure PE13.025373-EMM, reçue au domicile élu des recourants le 29 janvier 2019. 

II. Conclusions

Par les motifs ci-dessous exposés et tous autres à developper ultérieurement s’il y a lieu;

Vu en droit les articles 1 et suivant CP, notamment 117 et 127; 1 et suivants CPP, notamment 319, 324, 393 al. 2 let. a et b; ainsi que toutes autres dispositions applicables s’il y a lieu;

Monsieur et Madame Bernard et Sylvianne Jordan ont l’honneur de conclure à ce qu’il plaise à la Chambre des recours pénale

A la forme

1. Déclarer recevable le présent recours dirigé contre l’ordonnance de classement rendue par le Ministère public central le 28 janvier 2019,

Au fond

Principalement

2. Annuler et mettre à néant l’ordonnance de classement rendue par le Ministère public central en date du 28 janvier 2019,

3. Ordonner au Ministère central de constater que la prescription a été interrompue et que, en conséquence, l’action pénale n’est pas prescrite,

4. Ordonner au Ministère public central d’étendre la prévention à l’infraction de mise en danger (art. 127 CP),

5. Débouter tout opposant de toutes autres ou contraires conclusions.,

6. Condamner l’Etat de Vaud aux frais et débours de la procédure de recours, lesquels comprendront une indemnité équitable à titre de participation aux honoraires d’avocat des recourants.

Subsidiairement, si par impossible la Chambre des recours pénale considère que l’action pénale est prescrite pour l’infraction d’homicide par négligence

7. Annuler et mettre à néant l’ordonnance de classement,

8. Ordonner au Ministère public central d’étendre la prévention à l’infraction de mise en danger (art. 127 CP),

9. Débouter tout opposant de toutes autres ou contraires conclusions,

10. Condamner l’Etat de Vaud aux frais et débours de la procédure de recours, lesquels comprendront une indemnité équitable à titre de participation aux honoraires d’avocats des recourants.

Plus subsidiairement encore, si par impossible la Chambre des recours pénale confirme le point I. de l’ordonnance querellée (classement de la PP dirigée contre les Dr. X. et Y. pour homicide par négligence) 

11. Annuler les points III et IV de l’ordonnance de classement rendue par le Ministère public central,

12. Condamner les Dr. X. et Y. aux frais de la présente procédure de recours,

13. Condamner les Dr. X. et Y., pris conjointement et solidairement, à verser à Monsieur et Madame Bernard et Sylvianne Jordan la somme de CHF 51’299,27 plus intérêts à 5% dès le prononcé de la décision du Ministère public, à titre d’indemnité au sens de l’art. 433 al. 1 let. b CPP.

14. Débouter les Dr. X. et Y. de toutes autres contraires conclusions,

15. Débouter tout opposant de toutes autres ou contraires conclusions,

16. Condamner l’Etat de Vaud aux frais et débours de la procédure de recours, lesquels comprendront une indemnité équitable à titre de participation aux honoraires d’avocat des recourants. 

GRIEFS

Violation des articles 319 al. 1 CPP et 97 al. 3 CP

Dans l’ordonnance querellée, le Ministère public a retenu que l’ordonnance de classement du 29 août 2016 n’avait pas interrompu la prescription et considéré que l’action pénale était par conséquente prescrite. 

Le Ministère public fonde sa décision sur les AT 139 IV 62, 6B_614/2015 et ATF 144 IV 81. Pour les raisons évoquées ci-après, les recourants s’opposent à l’interprétation du Ministère public et concluent à ce que la Cour de céans constate que la prescription n’est pas atteinte en l’espèce. 

Délai de prescription applicable à l’infraction d’homicide par négligence et dies a quo

Les recourants ne contestent pas qu’en vertu du principe de la lex mitior, découlant de l’article 2 al. CP et concrétisé en matière de prescription par l’article 389 al. 1 CP, le délai de prescription de l’article 97 al. 1 let. c aCP de sept ans – en vigueur au moment des faits – s’applique à l’infraction d’homicide par négligence reprochée aux prévenus. 

Les faits remontant au 10 février 2011, le délai de prescription a commencé à courir à cette date en application de l’article 98 let. a CP. 

Interruption du délai de prescription

A teneur de l’article 97 al. 3 CP, la prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu. Depuis l’ATF 139 IV 62 du 11 décembre 2012, le TF considère que, par jugement de première instance au sens de cette disposition, il faut comprendre non seulement les prononcés de condamnation, mais également les décisions d’acquittement. A teneur de l’article 320 al. 4 CPP, une ordonnance de classement entrée en force équivaut à un acquittement. 

Dans un arrêt non publié 6B_614/2015 du 14 mars 2016, le TF a conclu que l’autorité cantonale de recours n’avait pas violé le droit fédéral en considérant que l’ordonnance de classement n’avait pas interrompu la prescription (Arrêt N° 6B_614/2015, cons. 2.3). Il est toutefois essentiel de relever que, dans cet arrêt, le TF a examiné cette question sous l’angle de la réouverture du dossier au sens de l’article 323 CPP. En outre, à l’appui de cette conclusion, le TF indique uniquement qu’il est douteux que le Ministère public puisse être considéré, en matière de classement et de non-entrée en matière, comme une autorité de première instance au sens de l’art. 97 al. 3 CP, tel n’étant d’ailleurs pas le cas s’agissant de l’ordonnance pénale frappée d’opposition (Arrêt N° 6B_614/2015, cons. 2.3). 

Sur ce dernier point, le TF fait référence à son arrêt du 15 janvier 2016, publié aux ATF 142 IV 11, cons. 1.2.2 (JdT 2016 IV 339). Or, l’examen de ce dernier arrêt et du raisonnement du TF devrait conduire au contraire à admettre que l’ordonnance de classement interrompt la prescription. Dans ledit arrêt, le TF traite de la question de savoir si une ordonnance pénale frappée d’opposition peut être considéré comme un « jugement de première instance » au sens de l’article 97 al. 3 CP, question à laquelle il répond par la négative (ATF 142 IV 11, cons. 1.2.2). Le raisonnement du TF est le suivant :

1) On assimile à « jugement de première instance » l’ordonnance pénale qui n’a pas fait l’objet d’une opposition, ce qui découle de l’article 354 al. 3 CPP et d’un Message du Conseil fédéral du 21 septembre 1998 (in FF 1999 1787, 1939 ch., 216.11) (ATF 142 IV 11, cons. 1.2.2). 

2) En revanche, la qualité de jugement fait défaut à une ordonnance pénale contre laquelle  une opposition a été formée, pour deux raisons :

L’opposition ne constitue pas une voie de recours, mais une voie de droit. Si elle est formée, l’ordonnance pénale tombe (ATF 142 IV 11, cons. 1.2.2 et les références citées). En cas d’opposition devant le Ministère public (article 354 CPP), si l’ordonnance pénale et finalement maintenue, le dossier va être transmis au Tribunal de première instance en vue des débats (article 356 CPP). En d’autre termes, en cas d’opposition, l’ordonnance pénale n’est plus une décision de première instance, mais elle devient l’acte d’accusation soumis au Tribunal de première instance qui va ainsi, lui seul, rendre un jugement de première instance, se prononçant sur les faits, le droit, la culpabilité, la fixation de la peine et les frais. 

Le prononcé d’une ordonnance pénale est exclu lorsque les conditions de l’article 352 CPP ne sont pas remplies, soit lorsque la peine à prononcer excède une peine privative de liberté de six mois. En d’autre termes, une ordonnance pénale ne peut pas être prononcée pour des infractions graves. Il en découle que si l’on admettait, dans les procédures pénales qui satisfont aux conditions de l’article 352 CPP, qu’une ordonnance pénale puisse déjà interrompre la prescription, cela conduirait à ce que la prescription intervienne plus tôt pour les infractions moins graves que pour les plus graves (ATF 142 IV 11, cons. 1.2.2). 

C’est donc sur ce double critère de (1) l’absence de voie de recours et (2) la limitation de l’ordonnance pénale à des infractions de « peu de gravité », que le TF a dénié la qualité de « jugement de première instance » à l’ordonnance pénale frappée d’opposition. 

Or, aucun de ces deux critères ne s’applique à l’ordonnance de classement contre laquelle un recours au sens de l’article 393 al. 1 let. a CPP a été déposé. 

  • Le recours de l’article 393 CPP est bien une voie de recours, laquelle octroie un plein pouvoir d’examen à l’autorité de recours qui statue sur le bien-fondé de l’ordonnance de classement, pour l’annuler ou la confirmer, et non sur la cause en qualité d’autorité de première instance,
  • Les articles 319 ss CPP ne limitent pas la possibilité de prononcer une ordonnance de classement à certaines catégories d’infractions, contrairement à l’ordonnance pénale. En d’autres termes, reconnaître qu’une ordonnance de classement puisse interrompre la prescription ne conduit pas à traiter différemment les infractions plus graves ou moins graves s’agissant de l’interruption du délai. 

Le raisonnement du Tribunal fédéral relatif aux ordonnances pénales devrait ainsi conduire à admettre qu’une ordonnance de classement équivaut à un jugement de première instance, qu’elle fasse ou non l’objet d’un recours, contrairement à ce qu’il a conclu dans son arrêt non publié 6B_614/2015. En effet, au même titre qu’un jugement rendu par le Tribunal de première instance interrompt la prescription qu’il fasse ou non l’objet d’un appel, tel est également le cas de l’ordonnance de classement. Une telle interprétation est conforme au but de l’art. 97 al. 3 CP – tel que rappelé par le TF dans son arrêt ATF 139 IV 62 du 11 décembre 2012 – qui doit « empêcher que la personne qui serait acquittée à tort en première instance ne puisse tirer avantage de la prescription lors d’une procédure de recours » (ATF 139 IV 62, in JdT 2014 IV 44, cons. 1.5.6, 1.5.7, 1.5.8 et 1.5.9).

Or, on ne voit pas pour quelle raison une personne qui bénéficierait à tort d’un classement devrait être traitée différemment de la personne acquittée à tort. Cela est d’autant plus vrai que les arguments à teneur desquels le TF considère que le jugement d’acquittement doit être assimilé à un jugement au sens de l’article 97 al. 3 CP s’appliquent mutatis mutandis au classement (ATF 139 IV 62, in JdT 2014 IV 44, cons. 1.5.6, 1.5.7, 1.5.8 et 1.5.9) :

  • Comme en cas d’acquittement, le prévenu bénéficiant d’un classement entré en force est protégé par le principe « ne bis in idem« , seule la révision de l’article 410 CPP et la réouverture de la procédure de l’article 323 CPP – ces procédures étant toutes deux soumises à la survenance de faits nouveaux – étant réservées (voir ATF 139 IV 62, cons. 1.5.7),
  • Les principes limitant la révision d’un jugement d’acquittement en défaveur du prévenu au sens de l’article 410 ss CPP (arrêt N° 6B_92/2014, cons. 2.2; ATF 139 IV 62, cons. 1.5.8) s’appliquent également à la réouverture du dossier au sens de l’article 323 CPP en défaveur du prévenu qui a bénéficié d’un classement (Arrêt N° 6B_614/2015, cons. 2.2.1 et 2.2.2). Dans ce cas, la prescription court dès le jour de l’acte incriminé, dès lors qu’il résulte de l’article 410 al. 3 CPP a contrario qu’une telle révision ne peut être demandée que si la prescription de l’action pénale n’est pas intervenue. La prescription ne cesse donc pas de courir pour une révision en défaveur du prévenu, nonobstant une décision d’acquittement (ATF 139 IV 62, cons. 1.5.8; arrêt N° 6B_92/2014, cons. 2.2). 

En d’autres termes, sur la base des arguments développés par le TF dans les différentes décisions examinées, rien ne saurait justifier qu’un prévenu ayant bénéficié d’une décision de classement soit traité différemment, et surtout plus favorablement, qu’un prévenu ayant bénéficié d’un jugement d’acquittement.

Au vu des développements qui précèdent, force est d’admettre que l’ordonnance de classement rendue par le Ministère public le 29 août 2016 a interrompu la prescription, laquelle a cessé de courir à compter de cette date. L’ordonnance querellée devra donc être annulée sur ce point.

En toute hypothèse, indépendamment de cette question, le Ministère public aurait dû compléter la mise en prévention des prévenus sur la base de l’article 127 CP. 

Violation des articles 127 et 12. al. 2 CP

Dans l’ordonnance querellée, le Ministère public a rejeté la requête d’extension de la prévention à l’infraction de mise en danger de l’article 127 CP. Il prétend qu’étendre la prévention à l’exposition ne se justifierait pas au motif qu’on ne saurait retenir une intention, même sous l’angle du dol éventuel (cons. 3, p. 8 et 9). Les recourants démontreront ci-après que la position du Ministère public n’est pas soutenable et concluent donc à l’annulation de la décision du Ministère public sur ce point également. 

Remarques préalables

Les recourants rappellent que le Ministère public n’est pas lié par l’infraction mentionnée dans l’ordonnance d’ouverture de l’infraction et peut donc compléter la mise en prévention (Petit commentaire du Code de procédure pénale, 2ème édition, 2016, N° 21 ad art. 309 CPP).

En outre, le concours idéal entre l’article 127 CP et l’homicide par négligence est possible (Petit commentaire du Code pénal, 2ème édition, 2017, N° 18 ad art. 127 CP et N° 38 ad art. 11 CP; B. Corboz, Les infractions en droit suisse, vo. 1, 3ème édition, 2010, N° 19 ad art. 127 CP). En conséquence, rien ne permet d’exclure a priori une prévention complémentaire pour infraction à l’article 127 CP pour autant que les conditions soient réalisées. 

Les éléments constitutifs de l’infraction de mise en danger (article 127 CP) sont manifestement réalisés

1) La position de garant des prévenus : L’auteur doit en tous les cas se trouver en position de garant face à la victime (Petit commentaire du CP, 2ème édition, 2017, N° 3 ad art. 127 CP et les références citées). 

En l’espèce, la qualité de garant du Dr. X. a été expressément retenue par la Chambre des recours pénale (« en sa qualité de médecin chef, consulté par un subordonné dans un cas particulier, ce médecin avait manifestement une position de garant« , Arrêt du 5 décembre 2016, cons. 4.3, p. 13) et la question de la qualité de garant du Dr. Y. a été réservée par le TF qui a renvoyé le dossier à l’autorité cantonale sur ce point (ATF N° 6B_170/2017 du 19 octobre 2017, cons. 3.2.2. p. 11). 

Le Tribunal fédéral a relevé dans son arrêt que « l’information médicale fait partie des obligations professionnelles générales du thérapeute, peu importe que celui-ci agisse en vertu d’un contrat de droit privé, en qualité de fonctionnaire ou d’employé d’Etat » (ATF N° 6B_170/217 du 19 octobre 2017, cons. 3.2.2, p. 11). 

2) La victime hors d’état de se protéger : Un tel état peut notamment résulter de la méconnaissance d’un danger difficile à déceler (Petit commentaire du CP, 2ème édition, 2017, N° 6 ad art. 127 CP et les références citées). 

En l’espèce, à défaut d’avoir été informé de la pathologie cardiaque dont il souffrait et des conséquences que celle-ci pouvait entraîner, Nils Jordan était hors d’état de se protéger puis qu’il ignorait (1) qu’il souffrait d’un grave problème de coeur et (2) qu’il lui faudrait prendre des mesures pour protéger sa santé et sa vie. Le Tribunal fédéral l’a expressément admis dans son arrêt du 19 octobre 2017 : « Dans l’ignorance de son état, la victime s’est trouvée par conséquent dans l’impossibilité de prendre les mesures nécessaires notamment pour faire confirmer le diagnostic envisagé et, le cas échéant, pour diminuer les risques pouvant en découler » (ATF N° 6_B170/2017, cons. 3.2.2, p. 13). 

3) L’exposition ou l’abandon de la victime : Une exposition sous la forme d’une commission par omission est parfaitement concevable, lorsque l’auteur crée un danger pour la victime en omettant d’agir comme son devoir de garant le lui impose (Petit commentaire du CP, 2ème édition, 2017, N° 3 ad art. 127 CP; Corboz I N° 12 ad art. 127; Hurtado Pozo, PS par. 20 N° 631). 

En outre, toute omission des mesures de protection commandées par les circonstances réalise le comportement typique, y compris lorsque l’auteur ne reste pas totalement passif, mais omet néanmoins de fournir toute l’aide que l’on pouvait exiger de sa part (Petit commentaire du CP, 2ème édition, 2017, N° 9 ad art. 127 CP et les références citées). En l’espèce, le TF a admis la violation du devoir de prudence par le défaut d’information de la victime et renvoyé le dossier à l’autorité cantonale notamment sur cette problématique (ATF N° 6B_170/2017, cons. 3.2, p. 14). 

Comme le Tribunal fédéral l’a relevé, « on s’étonne d’autant plus de l’absence d’information que les médecins en cause, s’ils avaient identifié un QT long, ignoraient en revanche de quel type il s’agissait. Tant qu’un diagnostic définitif n’est pas établi mais qu’une suspicion de syndrome grave existe, le principe de prudence paraît imposer de prendre toutes les mesures possibles, la première étant d’informer le patient, en particulier si des précautions – par exemple en cas d’activités physiques qui sortiraient du cadre habituel des sports peut-être pratiqués – doivent être suivies » (ATF N° 6B_170/2017, cons. 3.2.2, p. 13).

Il ne fait dès lors aucun doute qu’en omettant de l’informer de la maladie dont il souffrait et en le déclarant apte au service, les prévenus ont exposé et/ou abandonné Nils Jordan à un danger de mort. 

4) Le danger de mort/le danger grave et imminent pour la santé : Pour que l’infraction soit consommée, le comportement typique doit créer un danger de mort ou un danger grave et imminent pour la santé. Le danger de mort concret ne doit pas nécessairement être imminent. 

Le danger concret est un état de fait dans lequel existe, d’après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de possibilité que, dans le cas d’espèce, le bien juridique protégé doit être lésé, sans toutefois qu’un degré de probabilité supérieur à 50% ne soit exigé (Petit commentaire du CP, 2ème édition, 2017, N° 10 ad art. 127 CP et les références citées). En l’espèce, cette condition est également réalisée dès lors que les personnes souffrant d’un syndrome de QT long risquent de décéder des suites de leur pathologie, le danger auquel les prévenus ont exposé Nils Jordan étant par conséquent un danger de mort. Au surplus, le danger s’est réalisé, puisqu’après quelques jours de service militaire à peine, Nils Jordan est précisément décédé en raison de son syndrome de QT long. 

5) Le lien de causalité : L’infraction de mise en danger de la vie de Nils Jordan par les deux médecins est réalisée par l’omission d’informer Nils Jordan de sa maladie. 

Il s’agit alors d’établir un lien de causalité hypothétique. Une omission constitue la cause d’un résultat donné si l’on parvient à établir, avec un degré de vraisemblance confinant à la certitude, que l’accomplissement de ce que l’auteur a omis d’exécuter contrairement aux devoirs qui lui incombaient, aurait permis d’éviter la survenance du résultat (ATF 133 IV 158 cons. 6.1). 

Les personnes qui souffrent de QT long risquent la mort. Em omettant d’informer Nils Jordan de son QT long, les médecins incriminés ont créé la situation de danger de mort de Nils Jordan, en l’empêchant d’adapter son activité physique et son suivi médical à sa pathologie. Le lien de causalité hypothétique est par conséquent établi. 

En outre, la question du lien de causalité entre la décision de déclarer Nils Jordan apte au service, d’une part, et son tragique décès, d’autre part, a été réservé par le TF qui a renvoyé à l’autorité cantonale sur ce point (ATF N° 6B_170/2017, cons. 3.3, p. 14 à 16). 

6) L’intention : Le dol éventuel suffit, étant rappelé que le dol éventuel suppose que l’auteur, qui ne veut pas le résultat dommageable pour lui-même, envisage le résultat de son acte comme possible et l’accepte pour le cas où il se produirait (arrêt N° 6S.287/2005, cons. 2.2). Lorsque le résultat avait une probabilité évidente et très élevée de se produire, on doit retenir le dol éventuel (M. Killias, A, Kuhn, N. Dongois, Précis de droit pénal général, 4ème édition, 2016, p. 49). 

Dans l’ordonnance querellée, le Ministère public soutient que rien dans le dossier ne permet de « penser que le Dr. X. et/ou le Dr. Y. ont envisagé le décès de Nils Jordan comme possible et l’ont accepté pour le cas où il se produirait » (cons. 3, p. 8 et 9). 

Or, cette analyse est insoutenable au regard des éléments du dossier. 

Au contraire, l’existence d’une intention par dol éventuel ne saurait être exclue et doit être examinée, dès lors que les prévenus, bien que connaissant en leur qualité de médecin les conséquences possibles d’un syndrome de QT long et les risques liés aux activités pratiquées dans le cadre de l’école de recrues, ont néanmoins décidé de ne pas informer Nils Jordan de sa pathologie, d’une part, et de le déclarer apte au service, d’autre part. 

En effet, les deux médecins ont tout deux constaté la double anomalie révélée par l’électrocardiogramme de Nils Jordan, soit l’allongement du segment ST et le syndrome du QT long, ce dernier ayant en outre été expressément signalé par la machine utilisée pour l’ECG. Ils en ont parlé entre eux et ont néanmoins laissé Nils Jordan partir sans l’informer de sa pathologie. 

Or, interrogé à ce sujet, le Dr. Y. a expressément admis que dans sa pratique comme médecin au civil – soit en dehors de tout rapport hiérarchique – il aurait immédiatement appelé un cardiologue pour lui exposer les valeurs du ST et du QTc long de Nils Jordan et aurait envoyé ce dernier chez ce spécialiste pour déterminer s’il y avait un risque cardiaque (PV du 12 mai 2014, p. 9, lignes 311 à 315). En outre, les activités imposées par l’école de recrues sont très exigeantes sur le plan physique et ne sont pas à la portée de tous. Il est donc indispensable d’être en excellente forme physique et la santé cardiaque est primordiale. Imposer des activités physiques de cette exigence à des recrues souffrant de défaillances cardiaques peut s’avérer fatal. Les Dr. X. et Y. le savaient parfaitement. 

Dès lors, le dol éventuel est de toute évidence réalisé. En effet, il est inconcevable que des médecins qui ont détecté une anomalie cardiaque chez un patient n’aient pas envisagé – et a fortiori accepté – le risque qu’ils faisaient courir à ce patient en ne l’informant pas de sa pathologie et en le déclarant de surcroît apte au service militaire. 

Compte tenu de la peine maximale de l’article 127 CPP, le délai de prescription, prévu à l’article 97 al. 1 let. b CP – déjà en vigueur au moments des faits – est de quinze ans. S’agissant d’une infraction de mise en danger au sens de l’article 127 CP, la prescription arrive donc à échéance le 10 février 2026. 

Dès lors que l’ensemble des conditions de l’art. 127 CP sont réalisées et que cette infraction n’est à ce jour pas encore prescrite, cette disposition doit s’appliquer dans le cas d’espèce. Il y a donc lieu d’étendre la prévention à l’infraction de mise en danger. En conséquence, l’ordonnance querellée devra être annulée sur ce point. 

Violation de l’article 433 al. 1 let. b CPP

En toute hypothèse, si par impossible la Chambre des recours pénale devait confirmer l’ordonnance de classement querellée en raison de la prescription, elle devrait revoir la décision du Ministère public concernant l’indemnisation des parties plaignantes au sens de l’article 433 al. 1 let. b CPP. 

A juste titre, l’ordonnance querellée met les frais de procédure à la charge des prévenus en application de l’article 426 al. 2 CPP. L’ordonnance querellée doit être confirmée sur ce point. 

En revanche, statuant sur l’indemnisation des parties plaignantes en application de l’article 433 CPP, l’ordonnance querellée a arrêté le montant de cette indemnité à CHF 32’000.-. statuant ex aequo et bono, prenant comme référence le montant de « l’indemnité de l’art. 429 CCP la plus élevée requis par la défense » (cons. 3, p. 10 et 11). Cette façon de fixer l’indemnité de la partie plaignante viole l’article 433 al. 1 CPP. 

Principes applicables

A teneur de l’article 433 al. 1 let. b CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsque le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’article 426 al. 2 CPP. Les principes généraux du droit de la responsabilité civile trouvent matière à s’appliquer à l’indemnisation de la partie plaignante (Commentaire romand du CPP, Bâle 2011, N° 7 ad art. 433 CPP).

En application de ces règles, il incombe au lésé d’apporter la preuve du dommage et de son ampleur, ainsi que du lien de causalité naturelle et adéquate selon le degré de la haute vraisemblance entre les dépenses dont l’indemnisation est demandée et la procédure pénale. Fait également partie de ces principes le devoir de diminution du dommage (Commentaire romand du CPP, Bâle 2011, N° 7 ad art. 433 CPP).

La notion de juste indemnité – La juste indemnité ne doit pas être confondue avec les conclusions civiles; elle ne porte que sur les dépenses et les frais exposés en relation avec la procédure pénale, appelés parfois dépens (Commentaire romand du CPP, Bâle 2011, N° 8 ad art. 433 CPP). 

Les dépenses obligatoires causées par la procédure pénale – Les frais liés à la défense de la partie plaignante doivent être indemnisés. Cela implique avant tout d’indemniser ses frais d’avocat (Commentaire romand du CPP, Bâle 2011, N° 9 ad. art. 433CPP).

L’appréciation de la notion de dépenses obligatoires, en particulier quant aux frais d’avocat, ne doit pas être trop stricte (Commentaire romand du CPP, Bâle 2011, N° 10 ad art. 433 CPP).

Le principe du remboursement de l’intégralité des honoraires d’avocat doit prévaloir (Commentaire romand du CPP, Bâle 2011, N° 10 ad art.433 CPP) – De même, les frais d’avocat avant procédure, soit les frais engagés par la victime pour la consultation d’un avocat avant l’ouverture du procès pénal – lorsque cette démarche était nécessaire, adéquate et en rapport direct avec l’infraction – peuvent constituer un élément du dommage indemnisable par le biais de l’article 433 CPP, puisque la décision sur les dépens liquide en principe les prétentions des parties sans laisser la porte ouverte à une action civile ultérieure (Commentaire romand du CPP, Bâle 2011, N° 10 ad art. 433 CPP). 

Les honoraires ne peuvent être forfaitisés (Commentaire romand du CPP, Bâle 2011, N° 10 ad art. 433 CPP, renvoyant au N° 35 ad art. 429 3 CPP) – Les autres frais de défense sont également couverts (débours, expertise. etc.) (Commentaire romand du CPP, Bâle 2011, N° 11 ad art. 433 CPP). 

Le montant alloué produit des intérêts à partir du moment où la décision dans laquelle il a été fixé est entrée en force (Commentaire romand du CPP, Bâle 2011, N° 10 ad art. 433 CPP).

En l’espèce

En l’espèce, les recourants ont fait valoir leurs prétentions en indemnisation par une requête en indemnisation déposée le 9 mai 2018, pour un montant de CHF 95’415.-. Ce montant comprenait toute l’activité déployée dans le cadre de la présente procédure pénale au tarif de 400.- pour un avocat collaborateur et de CHF 500.- pour un avocat associé, conformément aux tarifs pratiqués au Barreau de Genève, ainsi que les frais et débours. 

Dans sa décision, le Ministère public a fixé le montant de l’indemnisation des recourants forfaitairement à CHF 32’000.- en se basant sur la requête d’indemnisation du Dr. X. Le Ministère public a notamment justifié cette façon de procéder par le fait que les notes d’honoraires produites (1) comporteraient une activité liée à la procédure militaire, (2) comporteraient les opérations liées aux procédures de recours et (3) appliqueraient le tarif horaire usuel à Genève. 

Or, rien ne saurait justifier de fixer l’indemnité due aux parties plaignantes pour leurs frais d’avocat sur la base de l’indemnité réclamée par un des prévenus pour ses propres dépenses. En effet, l’indemnisation doit être  fixée sur la base des frais effectifs de défense occasionnées par la procédure pénale. En outre, il va de soi que le rôle et le travail fournis par le Conseil des parties plaignantes dans une affaire comme celle-ci ne sont pas comparables à ceux des prévenus.  

Or, le Ministère public s’est dispensé d’examiner les pièces produites et d’y appliquer les principes qu’il a rappelés, pour se limiter à fixer forfaitairement le montant de l’indemnisation, ce qui n’est pas acceptable au regard de l’article 433 CPP. 

1) Contrairement à ce que soutient le Ministère public dans l’ordonnance querellée, la requête en indemnisation ne contenait pas d' »opérations en lien avec la procédure militaire qui n’ont pas à être indemnisées dans la présente procédure » (cons. 2, p. 10). 

Au contraire, sur les CHF 19’602.- de la note de frais et honoraires produite en annexe à la requête d’indemnisation, les recourants n’ont réclamé que CHF 4’995.-, après avoir écarté toute l’activité antérieure à la préparation de la plainte du 21 octobre 2013. En conséquence, toute l’activité facturée est en lien avec la présente procédure pénale, à partir de la préparation de la plainte du 21 octobre 2013 et jusqu’au dépôt de la requête d’indemnisation du 9 mai 2018. 

2) Il est exact qu’en application de l’article 436 CPP et de la jurisprudence du TF, les indemnités en procédure de recours sont établies de manière indépendante de la procédure au fond et que, partant, l’activité de l’avocat pour les procédures de recours ne peut plus être couverte par le biais d’une demande en indemnisation au sens des articles 429-433 CPP (ATF 142 IV 163, cons. 3.2.2). En conséquence, les recourants ont retranché des notes d’honoraires toute l’activité liée à la préparation des différents recours à la Chambre des recours pénale et au Tribunal fédéral. 

3) Il est faux de prétendre que les notes d’honoraires produites « mêlent les vacations avec les opérations facturées au tarif de l’avocat« . 

Au contraire les vacations ont été facturées au tarif horaire de CHF 200.- au lieu du tarif usuel de CHF 500.-. 

4) Il est exact qu’en application de la jurisprudence du Tribunal fédéral, les frais d’avocat doivent être indemnisés selon le tarif horaire prévu au lieu où se déroule la procédure (ATF 142 IV 163, cons. 3.1.2). En conséquence, les recourants ont appliqué aux notes d’honoraires le tarif horaire fixé par l’article 26a al. 3 TPIF, soit CHF 350.- pour les avocats et CHF 160.- pour les stagiaires. 

Il résulte de ce qui précède, qu’en application des principes susmentionnés, l’intervention du Conseil de Monsieur et Madame Bernard et Sylvianne Jordan, relative à la procédure pénale dirigée contre les Dr. X. et Y. s’élevait au jour du dépôt de la requête en indemnisation à un total de CHF 51’299,27, qui se décompose comme suit : 

– CHF 3’496,50 pour la période du 1er janvier au 5 novembre 2013,

– CHF 10’174,50 pour la période du 6 novembre 2013 au 30 novembre 2014,

– CHF 11’371,50 pour la période du 1er décembre 2014 au 30 septembre 2016,

– CHF 4’340,70 pour la période du 1er octobre 2016 au 15 février 2017,

– CHF 21’916.07 pour la période du 16 février 2017 au 8 mai 2018.

En vertu des principes applicables à l’indemnisation selon l’article 433 CPP – soit en particulier l’indemnisation intégrale et de l’interdiction de la forfaitisation des honoraires d’avocat – les points III et IV de la décision querellée devront être annulés et l’indemnisation des recourants fixée à CHF 51’299.27. 

15.02.2019 :  Courrier de la Chambre des recours pénale à notre avocat l’informant que le Dr. Y. a également recouru le 4 février 2019 contre l’ordonnance de classement rendue le 28 janvier 2019 par le Ministère public central. 

Le recours porte sur trois effets accessoires du classement, à savoir :

1) la mise à charge des frais de procédure,

2) la mise à charge d’une indemnité en faveur des plaignants,

3) le refus d’octroi d’une indemnité en faveur du prévenu libéré. 

La mise en charge des frais de procédure

Les normes invoquées 

a) Lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci. 

b) Le prévenu doit avoir adopté un comportement fautif et reprochable, non sous l’angle pénal du terme, mais au regard du droit civil. Il doit avoir clairement violé une norme de comportement, écrite ou non écrite résultant de l’ordre juridique suisse dans son ensemble pour permettre une application analogique de l’art. 41 CO.

3) Selon la jurisprudence, la condamnation aux frais d’un prévenu libéré ne peut intervenir qu’exceptionnellement. 

L’ordonnance entreprise 

Considérant que, dans son arrêt du 19 octobre 2017, le Tribunal fédéral « paraît » (sic) retenir à la charge du Dr. Y. une violation des devoirs de la la prudence par le défaut de toute information donné à feu Nils Jordan, le Procureur en charge a retenu pour établie l’existence d’une telle violation et ainsi condamné le recourant à supporter la moitié des frais de procédure. 

Les violations

a) Sur la forme, le procédé du Ministère public consistant à opérer un glissement de l’apparence prêtée à une autorité judiciaire pour faire sienne une haute vraisemblance ou même une certitude et ainsi « établir » qu’un justiciable a provoqué de manière illicite et fautive l’ouverture d’une procédure pénale ne manque déjà pas d’interroger. 

En effet, s’il s’agit bien de raisonner sur la base des normes en matière de responsabilité civile et non de normes pénales, le degré de la preuve d’une faute ne saurait se limiter à l’apparence (qui plus est prêtée à une autre autorité) ou à une intime conviction (qui plus est générée par l’apparence prêtée à une autre autorité) mais devrait relever de la certitude (art. 8 CC, al. 1 CO; ATF 104 II 216; ATF 118 II 235; ATF 131 III 222).

Ce qui précède vaut du reste d’autant plus que la condamnation aux frais d’un prévenu libéré doit demeurer l’exception.

b) Sur le fond, l’arrêt rendu le 19 octobre 2017 par le Tribunal fédéral est clair en ce sens qu’il n’établit pas l’existence d’une violation des devoirs de la prudence mais reproche au contraire à l’autorité cantonale de ne s’être pas prononcé sur cette problématique du défaut d’information à la victime (TF 6B_170/2017, p. 14, ch. 3.2) avant de « renvoyer cette même autorité à sa copie ». 

De même, il n’établit pas, si elle avait été donnée à feu Nils Jordan, que cette information aurait induit une consultation subséquente et/ou des moyens thérapeutiques qui auraient pu éviter l’arrêt cardiocirculatoire découlant du syndrome QT long 3 dont souffrait la victime. Là encore, l’autorité cantonale se voit reprocher de n’avoir pas examiné cette problématique en détail (TF 6B_170/217, p.14, ch. 3.2) avant d’être à nouveau « renvoyée à sa copie ». 

Ainsi, alors qu’il était légalement fondé à statuer lui-même sur le fond – ou à tout le moins à y contribuer – dans la mesure ou les plaignants avaient conclu principalement à la mise en accusation pour homicide par négligence du Dr. Y., le Tribunal fédéral s’est limité à renvoyer la cause à l’autorité cantonale (ATF 6B_170/2017, p. 17, ch. 1). 

Pourtant, s’agissant d’une infraction d’homicide par négligence, l’autorité fédérale disposait au moment de rendre son arrêt de l’intégralité du dossier lui permettant de réaliser que la date de la prescription de l’action pénale n’était pas très éloignée. Le recours des plaignants ayant été déposé le 1er février 2017, il aurait eu ainsi tout loisir de renvoyer la cause au Procureur en charge pour mise en accusation du prévenu du chef d’homicide par négligence avant l’acquisition de la prescription de l’action pénale au 11 février 2018 (art. 107 al. 1 et 2 LTF). 

c) Par ailleurs, entre la date de l’arrêt fédéral (19 octobre 2017) et la date de l’acquisition de la prescription de l’action pénale (11 février 2018), le Ministère public n’a instruit ni sur la problématique du défaut d’information à la victime ni sur la problématique d’une consultation subséquente et/ou de moyens thérapeutiques qui auraient pu, s’il y a lieu, éviter l’arrêt cardiocirculatoire découlant du syndrome QT long 3 dont souffrait Nils Jordan.  

En d’autre termes, faute de complément d’expertise sur ces deux points à ce jour, il n’était et n’est toujours pas possible de considérer que le recourant a clairement violé une norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l’ordre juridique suisse pris dans son ensemble (dont notamment la violation des devoirs de la prudence) et ce d’une manière répréhensible au regard du droit civil. 

d) C’est donc aussi en violation du droit (art. 426 al. 2 CPP), y compris par excès et abus de pouvoir d’appréciation, qu’en constatation erronée des faits que l’ordonnance entreprise retient à la charge du Dr. Y. l’ouverture, illicite et fautive, de la procédure pénale. 

La mise en charge d’une indemnité en faveur des plaignants

Les normes invoquées

a) La partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu’elle obtient gain de cause ou si le prévenu est astreint au paiement des frais (art. 426 al. 2, 433 al. 1 CPP). 

b) Elle obtient gain de cause lorsque le prévenu est condamné dans le cas où la partie plaignante n’était que demandeur au pénal; lorsqu’elle est demandeur au civil uniquement ou en sus de la demande au pénal, l’on considère que la partie plaignante obtient gain de cause lorsque ses conclusions civiles sont admises, à tout le moins partiellement (Laurent Moreillon & Aude Parein-Reymond, CPP, Helbing Lichtenhahn, Bâle 2013, ad art. 433 CPP, p. 1259, ch 5). 

L’ordonnance entreprise

En relation avec la mise en charge du Dr. Y. des frais de procédure, le Procureur a alloué sur le principe une indemnité aux plaignants pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure. 

Il a toutefois ramené de CHF 95’415.00 à CHF 32’000.00 les prétentions jugées excessives de Bernard et Sylvianne Jordan. 

La violation

a) Les plaignants ont déposé plainte pénale le 21 octobre 2013. Ils n’ont pas pris de conclusions civiles. 

b) En vertu de l’ordonnance dont les effets accessoires sont contestés, le Dr. Y. n’a pas été condamné (première hypothèse légale a contrario). Par ailleurs, la mise à sa charge des frais de procédure n’a précisément pas lieu d’être faute de comportement illicite et reprochable (deuxième hypothèse légale a contrario). 

c) C’est donc en violation du droit, y compris par excès et abus du pouvoir d’appréciation, que l’ordonnance entreprise met à la charge du recourant une indemnité en faveur de Bernard et Sylvianne Jordan, dite indemnité devant en réalité être rejetée dans son principe. 

Le rejet de l’indemnité en faveur du prévenu libéré

Les normes invoquées

a) Si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 litt. a CPP).

b) L’autorité pénale peut réduire ou refuser une telle indemnité si le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l’ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci, si la partie plaignante est astreinte à indemniser le prévenu ou si les dépenses sont insignifiantes (art. 429 al. 1 litt. a CPP) La première hypothèse constitue l’application en matière d’indemnité des principes de mise des frais de procédure à la charge du prévenu libéré (art. 426 al. 12 CPP; ATF 137 IV 352, cons. 2.4.2).  

L’ordonnance 

En relation avec la mise en charge du Dr. Y. des frais de procédures, le Procureur a refusé d’allouer à ce dernier une quelconque indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure. 

Les violations

a) Or, le Dr. Y. a bénéficié d’une ordonnance de classement. Par ailleurs, la mise à sa charge des frais de procédure n’a précisément pas lieu faute d’un comportement illicite et reprochable (première hypothèse légale de réduction/exclusion a contrario).

En outre, les plaignants ne sont pas astreints à indemniser le prévenu (deuxième hypothèse légale de réduction/exclusion a contrario).

Enfin les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de droits de procédure ne sauraient être qualifiées d’insignifiantes (troisième hypothèse légale de réduction/exclusion a contrario).

b) S’agissant de la quotité, il convient de relever qu’en ramenant de CHF 95’415.- à CHF 32’000.00 les prétentions jugées excessives de Bernard et Sylvianne Jordan, le Ministère public a implicitement admis que ce deuxième montant ne prêtait pas quant à lui le flanc à la critique.

c) C’est donc en violation du droit (art. 433 al. 1 CPP), y compris par excès et abus du pouvoir d’appréciation, que l’ordonnance entreprise rejette en faveur du recourant une indemnité de prévenu libéré, tant sur le principe que sur la quotité de CHF 32’000.-. 

LES CONCLUSIONS

Fondé sur ce qui précède, le recourant (Dr. Y.) a dès lors l’honneur de conclure sous suite de frais et dépens qu’il plaise au Tribunal cantonal par sa Chambre de recours pénale :

principalement

I.   rendre en sa faveur une nouvelle décision en la cause PE13.0255373 dans le sens qui suit : 

    I. Inchangé

    II. admet les conclusions du Dr. Y. tendant à l’allocation d’une indemnité au sens de                 l’art. 429 CPP et lui alloue ainsi à ce titre une somme de CHF 32’000.-, valeur échue;

    III. Indéterminé

    IV. rejette les conclusions de Sylvianne et Bernard Jordan tendant à l’allocation d’une                 indemnité à forme de l’art. 433 al. 1 CPP à la charge du Dr. Y.;

    V. Inchangé

    VI. laisse la totalité des frais de procédure concernant le Dr. Y. à la charge de l’Etat.

subsidiairement

II. annuler l’ordonnance rendue le 28 janvier 2019 par le Ministère public central.

III. renvoyer la cause PE13.025373 au Ministère public central pour nouvelle ordonnance dans le sens des considérants cantonaux à intervenir. 

14.02.2019 : Courrier de l’avocat du Dr. X. à la Chambre des recours pénale. Il y fait part du recours déposé par le Dr. Y. Partant du fait, qu’à sa connaissance, aucune autre partie n’a recouru, il demande d’attester du caractère définitif et exécutoire des chiffres I, II, III et IV du dispositif de l’ordonnance de classement en ce qu’ils concernent son client. Il précise que le recours du Dr. Y. n’est pas dirigé contre la partie de l’ordonnance concernant son mandant et, la procédure étant ouverte depuis plus de 4 ans, ce dernier souhaiterait une situation claire et définitive en ce qui le concerne. 

20.02.2019 : Courrier du Président de la Chambre des recours pénale à l’avocat du Dr. X. Il indique ne pas pouvoir donner suite à sa requête du 14.02.2019 vu que les parties plaignantes ont également déposé un recours. 

25.03.2019 : Transmission à notre avocat de l’arrêt du 4 mars 2019 de la Chambre des recours pénale suite à notre recours et celui du Dr. Y. 

En droit : 

I.       Le recours de Sylvianne et Bernard Jordan 

1.      Les parties peuvent attaquer une ordonnance de classement rendue par le Ministère public (art. 319 CPP) dans les 10 jours devant l’autorité de recours qui est, dans le canton de Vaud, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal. Interjeté dans le délai légal et dans les formes prescrites auprès de l’autorité compétente, par les parties plaignantes qui ont qualité pour recourir, le recours de Sylvianne et Bernard Jordan est recevable. 

2.   

2.1    Les recourants se plaignent d’abord d’une violation des art. 319 al. 1 CPP et 97 al. 3 CP. Ils ne contestent pas que le délai de prescription de 7 ans prévu par l’art. 97 al. 1 let. c aCP, dans sa teneur en vigueur au moment des faits, s’applique en vertu du principe de la lex mitior, de sorte que le délai de prescription a commencé à courir le 10 février 2011 conformément à l’art. 98 let. a CP. Ils soutiennent toutefois que la prescription aurait été interrompue par l’ordonnance de classement rendue le 29 août 2016, l’art. 97 al. 3 CP s’appliquant selon eux tant aux jugements (de condamnation ou d’acquittement) de première instance qu’aux ordonnances de classement, conformément à l’art. 320 al. 4 CPP. 

2.2    Selon l’art. 97 al. 3 CP, la prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu. La notion de « jugement de première instance » au sens de l’art. 97 al. 3 CP doit être définie de la même manière que la notion de « jugement de deuxième instance » au sens de l’art. 33 al. 1 CP (Dupuis et al. Petit commentaire du Code pénal, 2ème éd. 2017, n. 4 ad art 97 CP), soit comme un jugement de fond, prononcé selon la procédure judiciaire ordinaire (Dupuis et al., op. cit. n. 2 ad art. 33 CP), par lequel l’autorité statue sur le point de savoir si le prévenu s’est rendu coupable d’une infraction pénale et le cas échéant sur les conséquences de cette déclaration de culpabilité (Riedo, Basler Kommentar, Strafrecht I, 4ème éd. 2019, n. 12 ad art. 33CP et les références citées). Selon la jurisprudence du TF, sont des jugement de première instance au sens de l’art. 97 al. 3 CP, au-delà desquels la prescription ne court plus, non seulement les prononcés de condamnation, mais également ceux d’acquittement (ATF 139 IV 62, JdT 2014 IV 44). 

Les jugements au fond, notion désormais définie à l’art. 80 al. 1, 1ère phase, CP, sont ceux qui tranchent des questions civiles ou pénales sur le fond, soit, s’agissant des questions pénales, sur la culpabilité du prévenu et sur les éventuelles sanctions qu’elle implique. Ils ne peuvent être rendus que par le Tribunaux de première instance (art. 19 al. 1 CPP) – sous réserve de certaines infractions qui relèvent de la compétence d’autres autorités, soit de la compétence d’une autorité compétente en matière de contraventions (art. 17 CP) ou de la compétence du Ministère public de statuer par voie d’ordonnance pénale, étant précisé que dans les deux cas est ouverte la voie de l’opposition, qui permet au prévenu de porter la cause devant le Tribunal de première instance (art. 354 al. 1, 356 al. 1 et 357 al. 2 CPP) – respectivement en deuxième instance, par la juridiction d’appel (art. 21 al. 1 let. a CPP). Les ordonnances de classement rendues par le Ministère public (art. 319 CPP) ne tranchent pas des questions civiles ou pénales sur le fond et constituent des « autres prononcés » au sens de l’art. 80 al. 1 2ème phrase, CPP. Certes, l’art. 320 al. 4 CPP dispose qu’une ordonnance de classement entrée en force équivaut à un acquittement. Il n’en reste pas moins qu’elle ne constitue pas un jugement au fond rendu par un tribunal. En outre, l’art. 323 CPP permet de revenir sur un classement à des conditions moins rigoureuses que celles qui prévalent  pour la révision d’un jugement entré en force (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.5). En raison de cette chose jugée matérielle limitée par rapport à un véritable acquittement prononcé par un tribunal, les ordonnances de classement n’ont aucune influence sur le cours de la prescription, ne constituant pas des jugements au sens de l’art. 97 al. 3 CP). 

2.3        Il résulte de ce qui précède que l’ordonnance de classement du 29 août 2016, qui a été annulée et n’est pas entrée en force, n’a pas interrompu la prescription de l’action pénale, laquelle est ainsi intervenue le 11 février 2018.

3.

3.1       Les recourants se plaignent ensuite d’une violation de l’art. 127 CP. Ils soutiennent que l’instruction aurait dû être étendue à l’infraction d’exposition, dont tous les éléments  constitutifs seraient selon eux réalisés. 

3.2       L’art. 127 CP punit d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui, ayant la garde d’une personne hors d’état de se protéger elle-même ou le devoir de veiller sur elle, l’aura exposée à un danger de mort ou à un danger grave et imminent pour la santé, ou l’aura abandonnée à un tel danger.

L’art. 127  CP suppose que l’auteur assume un devoir de garde ou un devoir de veiller sur la victime, synonymes de position de garant (TF 6S. 167/2000 du 24.06.2000 consid. 1a/cc; Trechsel/Fingerhuth, in : Trechsel/Peith, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 2ème éd. 2012, n. 2 ad art. 127 CP; Dupuis et al., op. cit., n. 3 ad art. 127 CP), qui peut résulter d’une relation de fait qualifiée tenant à un engagement de protéger autrui, dans le cadre de rapport de confiance et de proximité particuliers dont découle une obligation personnelle de sécurité à l’égard de la victime (TF 6S.70/2002 du 15.04.2002 consid. 2b; TF 6S 167/2000 du 24.06.2000 consid. 1a/CC; Dupuis et al., op, cit, n. 5 ad art. 127 CP). 

Cette dernière doit de surcroît se trouver hors d’état de se protéger. Est visé le cas d’une personne qui, dans une situation concrète, n’est pas elle-même en mesure de sauvegarder ou de retrouver son intégrité corporelle ou sa santé, en raison de diverses circonstances telles que, notamment, l’infirmité ou la maladie (TF 6S,. 167/2000 du 24.06.2000 consid. 1a/cc; Trechsel/Firngerhuth, op. cit. n. 1 ad art. 127 CPP; Dupuis et al. op., cit., n. 6 ad art. 127 CPP). 

Le comportement réprimé part l’art. 127 CP consiste à exposer la victime à un danger de mort ou à un danger grave et imminent pour la santé ou à l’abandonner face à un tel danger. Infraction  de résultat (Dupuis et al., op. cit., n. 10 ad art. 127 CP), l’art. 127 CP implique un danger concret, par quoi l’on vise un état de fait dans lequel il existe, d’après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de probabilité que le bien juridique soit lésé, sans toutefois qu’un degré de probabilité à 50% soit exigé (ATF 123 IV 128 consid. 2a p. 130; TF 6B_287/2005 consid. 2.1; TF 6S. 167/2000 du 24.06.2000 consid. 1a/cc). S’il  s’agit d’un danger de mort, le texte légal n’exige pas que celui-ci soit en outre imminent. En revanche, s’il est question d’un danger pour la santé, ce dernier doit être qualifié de grave, mais aussi d’imminent, soit susceptible de se concrétiser dans un avenir proche (Corboz, les infractions en droit suisse, Vol. I, 3ème édit. 2010, n. 11 ad art 127 CP). 

Conformément à l’art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L’auteur agit déjà intentionnellement lorsqu’il tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas au cas où celle-ci se produirait (dol éventuel). Le dol éventuel suppose que l’auteur, qui ne veut pas le résultat dommageable pour lui-même, en visage le résultat de son acte comme possible et l’accepte au cas où il se produirait (ATF 133 IV consid. 4.1 p. 16; ATF 131 IV consid. 2.2 p. 4 ss; ATF 130 IV 58 consid. 8.2 p. 61; sur le tout ; TF 6B_473/2016 du 22 juin 2017 consid. 1.2). 

3.3     En l’espèce, la qualité de garant du Dr. X. a été expressément admise par la Chambre des recours pénale dans son arrêt du 5 décembre 2016 et la qualité de garant du Dr. Y. a été réservée par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 19 octobre 2017. 

En revanche, la présente espèce ne correspond manifestement pas aux autres éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l’infraction d’exposition. On ne saurait sérieusement soutenir que les prévenus auraient abandonné une victime  impuissante face à un danger de mort. On ne se trouve manifestement pas dans le cas d’une personne qui, dans une situation concrète, n’était pas elle-même en mesure de se protéger contre un danger de mort. Certes, ce danger n’a pas besoin d’être imminent, mais il faut qu’il soit probable, d’après le cours ordinaire des choses – sans toutefois qu’un degré de probabilité supérieur à 50% soit exigé -, qu’il se réalise dans la situation concrète en question. Or en l’espèce, le risque de décès au syndrome de QT long 3 qui a été décelé dans l’analyse génétique effectuée après le décès de Nils Jordan n’était pas un danger de mort lié à une situation concrète. Il s’agissait d’un risque présent à n’importe quel moment – antérieur ou postérieur aux faits reprochés aux prévenus – dans la vie de Nils Jordan (étant rappelé que les décès liés à ce syndrome surviennent essentiellement au repos et durant le sommeil) et non d’un danger de mort lié à une situation concrète dans laquelle les prévenus auraient abandonné Nils Jordan. 

Au surplus, sur le plan subjectif, les prévenus peuvent uniquement se voir reprocher une négligence pour s’être contentés, après avoir constaté que le QTc était prolongé selon le calcul automatique par l’appareil ECG, de creuser l’anamnèse pour des éléments pouvant indiquer une maladie rythmique sous-jacente, sans procéder à des investigations cardiologiques ultérieures; en aucun cas n’ont-ils imaginé que leur comportement reviendrait à abandonner Nils Jordan à un danger de mort – ce qui est le cas sur le plan objectif, comme on l’a vu – et à accepter un probable décès comme le résultat de leur comportement. 

3.4      Il résulte de ce qui précède que le procureur n’a pas violé le droit fédéral en refusant d’étendre l’instruction contre les prévenus à l’infraction d’exposition. 

4.

4.1       Les recourants se plaignent enfin d’une violation de l’art. 433 al. 1 CPP, du fait que le procureur ne leur a alloué, à la charge des prévenus, qu’une indemnité de CHF 32’000.- alors qu’ils réclamaient une indemnité de CHF 95’415.-. 

4.2      L’art. 433 al. 1 CPP permet à la partie plaignante de demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu’elle obtient gain de cause (let. a) ou lorsque le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art. 426 al. 2 CPP (let.b). L’al. 2 prévoit que la partie plaignante adresse ses prétentions à l’autorité pénale; elle doit les chiffrer et les justifier. Si elle ne s’acquitte pas de cette obligation, l’autorité pénale n’entre pas en matière sur la demande. 

La partie plaignante obtient gain de cause au sens de l’art. 433 al. 1 CPP lorsque le prévenu est condamné ou si les prétentions civiles sont admises. La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d’appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante dans la procédure pénale. Il s’agit en premier lieu des frais d’avocat de la partie plaignante (TF 6_B695/2013 du 03.12.2013 consid. 3.1 et références citées). 

En fin selon la jurisprudence, les indemnités en procédure de recours sont établies de manière indépendante de la procédure de fond. Partant, l’activité de l’avocat pour les procédures de recours ne peut plus être couverte par les biais d’une demande d’indemnisation au sens de l’art. 429 CPP (ATF 142 IV 163 consid. 3.2.2). Il en va de même de l’indemnité réclamée au titre de l’art. 433 CPP.

4.3     En l’espèce, l’appréciation du procureur échappe à la critique. Tout d’abord, il convient de relever que le dossier démontre la mauvaise foi des recourants sur le calcul de l’indemnité à laquelle ils pourraient prétendre. En effet, il convient de relever que les recourants ont tout d’abord fait valoir leur prétentions en indemnisation pour un montant de CHF 95’415.- selon la requête déposée le 9 mai 2018. Ils invoquaient alors un tarif horaire de CHF 400.- pour un avocat collaborateur et de CHF 500.- pour un avocat associé. Le procureur a relevé à cet égard que les tarifs horaires requis excédaient ce que prévoit l’art. 26a TFIP (Tarif des frais de procédure et indemnité en matière pénale du 28.09.2010; BLV 312.03.1) et ne pouvaient pas être admis. Les recourants en conviennent d’ailleurs dans leur recours, dans lesquels ils citent eux-mêmes la jurisprudence – déjà connue lorsqu’ils ont déposé leur requête du 9 mai 2018 – selon laquelle les frais d’avocat doivent être indemnisés selon le tarif applicable au lieu ou se déroule la procédure (ATF 142 IV 163 consid. 3.1.2). Ce n’est donc qu’au stade de leur recours du 8 février 2019 qu’ils ont finalement daigné appliquer le tarif horaire fixé par l’art. 26a al. 3 TFIP, soit CHF 350.- pour les avocats et CHF 160.- pour les stagiaires. En outes, les recourants ont « omis » – devait le procureur – de retrancher les opérations qui avaient déjà été indemnisées dans le cadre des indemnités allouées par la Chambre des recours pénale et par le Tribunal fédéral; ils ont retranché ces opérations – ou du moins une partie d’entre elles – dans le cadre du présent recours. Enfin, rappelons que le Tribunal fédéral a alloué aux recourants une indemnité de dépens de CHF 3’000.- pour une activité pour laquelle il était invoqué un montant de CHF 25’832.-, procédant de ce fait à une réduction de quelque 88% de l’indemnité manifestement jugée comme largement excessive. 

Au stade de la procédure de recours et considérant les reproches formulés à juste titre par le Ministère public dans le cadre de l’ordonnance contestée, les recourants ont ramené leurs prétentions en indemnité de CHF 95’415.- à CHF 51’299.-. Toutefois, ce dernier montant – représentant 108 heures et 50 minutes de travail d’avocat et 63 heures et 15 minutes de travail d’avocat stagiaire, soit un total de 172 heures et 5 minutes consacrées au dossier – apparaît encore largement excessif. Cette constatation est d’autant plus évidente lorsqu’on compare la prétention des recourants avec celles réclamées par chacun des prévenus dans la même procédure, sur des bases comparables, étant précisé que les indemnités fondées tant sur l’art. 429 al. 1 let. a CPP que sur l’art. 433 al. 1 CPP ne visent que les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure, à l’exclusion des opérations qui n’étaient pas nécessaires ou dont le volume de travail allégué est manifestement trop important. Dans le cas d’espèce, malgré le caractère délicat et émotionnel de la procédure, le volume de travail allégué est donc manifestement trop important. Sans qu’il y ait lieu de détailler chacune des opérations alléguées par les recourants, on relèvera à titre d’exemple les nombreuses heures facturées sous le libellé de « recherches juridiques » (plus de 11 heures entre le 14 janvier 2016 et le 12 février 2016, mais surtout plus de 60 heures de recherches et autre « note de dossier » depuis le dernier arrêt du Tribunal fédéral).

Considérant que la prétention admise par le Ministère public, soit CHF 32’000.- représente plus de 82 heures de travail au tarif d’un avocat breveté – ou, si l’on souhaite garder la répartition de 2 heures de travail d’avocat pour une heure de travail d’avocat stagiaire telle qu’elle ressort des notes de frais produites par la défense, soit 70 heures au tarif horaire d’un avocat breveté et 35 heures au tarif horaire d’un avocat stagiaire, soit plus de 105 heures de travail au total-, ce montant apparaît largement suffisant pour couvrir les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.

4.4        En définitive, le recours de Sylvianne et Bernard Jordan doit donc être rejeté sur ce point également. En outre, comme on le verra ci-dessous, les recourants ne peuvent réclamer au Dr. Y. aucune indemnité au sens de l’art. 433 al. 1 CPP. 

II.          Le recours du Dr. Y. 

1.       Interjeté dans le délai légal et dans les formes prescrites auprès de l’autorité compétente par le Dr. Y qui a qualité pour recourir en tant qu’il conteste la mise à sa charge de la moitié des frais de procédure, la mise à sa charge d’une indemnité à verser aux parties plaignantes et le refus de lui allouer une indemnité au sens de l’art. 429 CPP, le recours est recevable. 

2.             Le recourant conteste la mise à sa charge d’une partie des frais de procédure. 

2.1        Les frais sont en principe mis à la charge de l’Etat (art. 433 CPP). Toutefois, lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite ou fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art, 426 al. 2 CPP). 

La condamnation d’un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit respecter la présomption d’innocence, consacrée part les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale et 6 par. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 04.11.1950). Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n’est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l’ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s’il en a entravé le cours. A cet égard, seul entre en ligne de compte un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés (ATF 144 IV 202 consid. 2.2 et les arrêts cités; TF 6B-886/2018 du 31.10.2018 consid. 2.1.1). La relation de causalité est réalisée lorsque, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le comportement de la personne concernée était de nature à provoquer l’ouverture de la procédure pénale et le dommage ou les frais que celle-ci a entraînés (TF 6B-1183/2017 du 24.04.2018 consid. 2.1 et références citées).

Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l’imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l’ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d’une application par analogie des principes découlant de l’art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 144 IV 202 consid. 2.2; TF 6B_886/2018 consid. 2.1.1). Le juge doit fonder sa décision sur des faits incontestés ou déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 consid. 2a; TF 6B_87/2012 consid. 1.2). Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l’autorité était légitimement en droit d’ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l’autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d’une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation; la mise des frais à la charge du prévenu en cas d’acquittement ou de classement de la procédure doit en effet rester l’exception (ATF 144 IV 202 consid. 2.2; TF 6B_886/2018 consid. 2.1.1). 

2.2        En l’espèce, il convient d’examiner si le recourant a, d’une manière engageant sa responsabilité civile, manifestement violé une règle de comportement pouvant découler de l’ordre juridique suisse dans son ensemble et a provoqué ainsi l’ouverture d’une instruction pénale. Le procureur a admis une telle violation d’une règle de comportement sur la base de l’appréciation du Tribunal fédéral, ce que le recourant conteste en faisant valoir que le Tribunal fédéral n’aurait pas constaté lui-même une telle violation mais se serait contenté de renvoyé la cause à l’autorité précédente pour complément d’instruction et nouvel examen. 

2. 3           Dans son arrêt du 19 octobre 2017, le Tribunal fédéral a considéré ce qui suit : « L’information médicale fait partie des obligations professionnelles générales du thérapeute, peu importe que celui-ci agisse en vertu d’un contrat de droit privé, en qualité de fonctionnaire ou d’employé de l’Etat (…). Il incombe au médecin de donner au patient, en termes clairs, intelligibles et aussi complets que possible, une information sur le diagnostic, la thérapie, le pronostic, les alternatives au traitement proposé, les risques de l’opération, les chances de guérison, éventuellement sur l’évolution spontanée de la maladie et les questions financières, notamment relatives à l’assurance (…). 

En l’occurence, la victime n’a pas été avertie des résultats de son ECG. Certes, un diagnostic définitif n’a pas été établi au moment du recrutement. Il est toutefois incontesté que l’ECG a mis en évidence – ainsi que l’ont remarqué les deux praticiens à qui il a été soumis – un syndrome de QT long, défaillance dont les conséquences ne sont pas anodines. 

On ne voit toutefois pas quel motif particulier justifierait en l’espèce de ne pas informer le patient – qui ignorait alors tout de cette problématique – des résultats de son ECG et du diagnostic qui pouvait en découler. Certes, le Dr. Y relève à juste titre que le médecin du recrutement n’a pas à procéder à un bilan de santé complet d’un patient (…). Cela étant, si on ne peut exiger que des mesures supplémentaires en lien avec l’ECG soient prises dans le cadre militaire où lesdits résultats étaient alors conformes aux normes permettant de déclarer apte au service, on peut en revanche attendre du médecin ayant analysé les résultats qu’il en informe l’intéressé (…) et, le cas échéant, lui conseille une consultation, notamment chez un spécialiste. Dans l’ignorance de son état, la victime s’est trouvée par conséquent dans l’impossibilité de prendre les mesures nécessaires notamment pour faire confirmer le diagnostic envisagé  et, le cas échéant, pour diminuer les risques pouvant en découler (cf. à cet égard, le PV d’audition de l’expert, qui préconise d’éviter certains sports de compétition, ainsi que certains médicaments et suggère la possibilité de prescrire des bétabloquants à but préventif). On s’étonne d’autant plus de l’absence d’information que les médecins en cause, s’ils avaient identifié un QT long, ignoraient en revanche de quel type il s’agissait. tant qu’un diagnostic définitif n’est pas établi et qu’une suspicion de syndrome grave existe, le principe de prudence paraît imposer de prendre toutes les mesures possibles, la première étant d’informer le patient, en particulier si des précautions – par exemple en cas d’activités physiques qui sortiraient du cadre habituel des sports peut-être pratiqués – doivent être suivies (…). Ce devoir de prudence s’impose d’autant plus que les recrues ne revoient en principe pas les médecins du recrutement à l’inverse peut-être d’un médecin de famille.; celui-ci semble mieux à même de suivre l’évolution de soupçons dans l’hypothèse où il serait admissible qu’il ne les partage pas immédiatement avec son patient. 

Il y a lieu au demeurant de relever que cette violation des devoirs de prudence – par le défaut de toute information – est indépendante de l’éventuelle aptitude au service et/ou de la question du lien de causalité telle qu’examinée dans l’arrêt attaqué, puisqu’il s’agit de déterminer si une information, respectivement une consultation subséquente que ladite information aurait induite et/ou des moyens thérapeutiques, auraient pu éviter l’arrêt cardio-circulatoire découlant d’u syndrome QT long 3 dont souffrait la victime. Mis à part les quelques mesures indiquées par l’expert lors de l’audition et rappelées ci-dessus, cette problématique n’a pas été examinée plus en détail, et, par conséquent, une interpellation de celui-ci sur cette question, notamment les traitements qui auraient pu être envisagés, s’impose. 

2.4           Contrairement à ce que soutient le recourant et nonobstant la formulation selon laquelle « le principe de prudence paraît imposer de prendre toutes les mesures possibles », le Tribunal fédéral a clairement considéré que le recourant avait violé son devoir d’information en omettant d’informer Nils Jordan – qui ignorait alors tout de cette problématique – des résultats de son ECG et du diagnostic pouvant en découler. 

Le Tribunal fédéral a toutefois constaté qu’il n’était pas possible, en l’état du dossier, de déterminer si une information, respectivement une consultation subséquente que ladite information aurait induite et/ou des moyens thérapeutiques, auraient pu éviter l’arrêt cardio-circulatoire découlant du syndrome QT long 3 dont souffrait la victime. Relevant que mis à part les quelques mesures indiquées par l’expert lors de son audition, cette problématique n’avait pas été examinée plus en détail, le Tribunal fédéral a considéré qu’une interpellation de l’expert sur cette question, notamment les traitements qui auraient pu être envisagés, s’imposait. 

Force est toutefois de constater qu’au vu de la prescription de l’action pénale intervenue le 11 février 2018, le Ministère public – auquel la Chambre des recours pénale, par arrêt du 9 novembre 2017 avait renvoyé le dossier pour qu’il procède dans le sens des considérants, à savoir qu’il complète l’instruction par les mesures indiquées par le Tribunal fédéral – n’a pas procédé aux mesures d’instruction qui auraient permis de déterminer si une information de Nils Jordan par le recourant, respectivement une consultation subséquente que ladite information aurait induite et/ou des moyens thérapeutiques, auraient pu éviter l’arrêt cardio-circulatoire découlant du syndrome QT long 3 dont souffrait la victime. Dans ces conditions – étant rappelé que l’autorité appelée à appliquer l’art. 426 a 2 CPP doit fonder sa décision sur des faits incontestés ou déjà clairement établis -, comme le relève à juste titre le recourant, il n’est pas possible de dire que celui-ci aurait, par un comportement civilement fautif et illicite dans le sens d’une application par analogie des principes découlant de l’art. 41 CO, provoqué l’ouverture de la procédure pénale contre lui pour homicide par négligence. Par conséquent, les conditions de l’art. 426 al. 2 CPP ne sont pas réalisées et les frais ne peuvent pas être mis à la charge du recourant. 

3.           Le recourant conteste le refus du procureur de lui allouer une indemnité, au sens de l’art. 429 CPP. 

3.1          Aux termes de l’art. 429 al. 1 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéfice d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (b.) et à une réparation  du tort moral subi en raison d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté. L’art. 430 al. 1 CPP dispose que l’autorité pénale peut réduire ou refuser cette indemnité notamment si le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l’ouverture de la procédure pénale ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci. 

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il existe un parallélisme entre la mise en charge du prévenu des frais de procédure selon l’art. 426 al. 1 et 2 CPP et la réduction ou le refus de l’indemnité selon les art. 429 et 430 CPP en ce sens que si les frais de procédure sont mis à la charge du prévenu, il ne peut lui être alloué d’indemnité, tandis que lorsque les frais sont supportés par l’Etat en tout ou partie, une indemnisation entre en ligne de compte dans la même proportion (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2, JdT 2012 IV 255; TF 6B_77/2013 du 04.03.1013 consid. 2.4). L’art. 430 al. 1 CPP posant les mêmes conditions que l’art. 426 al. 2 CPP, il est adéquat de se référer dans les deux cas à la jurisprudence rendue en matière de condamnation aux frais du prévenu acquitté (ATF 137 IV 352; TF 6B-77/2013 du 04.03.2013 consid. 2.3; Mizel/Rétornaz in : Kuhn/Jeanneret, op. cit. n. 2 ad art. 426CPP).

 3.2             En l’espèce, comme les frais de procédure ne pouvaient pas être mis à la charge du recourant, celui-ci a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure. Par courrier de son défenseur du 11 juin 2018, le Dr. Y avait requis l’allocation d’une indemnité de CHF 32’065.20 en application de l’art. 429 al. 1 let. a CPP, conclusions qu’il arrondit à CHF 32’000.-. Ce montant correspond à 81.9 heures de travail à CHF 350.- l’heure hors TVA, plus CHF 1’252.- de débours et un montant correspondant à la TVA. Ce montant est justifié et doit être alloué. 

4.                 Le recourant conteste la mise en charge d’une indemnité au sens de l’art. 433 CPP en faveur des parties plaignantes. 

4.1                 Selon l’art. 433 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu’elle obtient gain de cause (let. a) ou lorsque le prévenu est astreint au paiement des frais (let. b). Dans le cas visé à l’art. 433 al. 1 let. b CPP, lorsque le prévenu, bien que libéré des fins de la poursuite pénale, est astreint au paiement de toute ou partie des frais en application de l’art. 426 al. 2 CPP, il peut être tenu de payer les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure pénale à la partie plaignante (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire du CPP, 2ème éd. 2017, n. 7 ad art. 433 CPP). 

4.2             En l’espèce, les parties plaignantes n’ont pas obtenu gain de cause et le recourant n’a pas été astreint au paiement de tout ou partie des frais. En conséquence, le recourant ne saurait être astreint à verser aux parties plaignantes une indemnité au sens de l’art. 433 al. 1 CPP.  

III.                     Conclusion

1.                       Au vu de ce qui précède, le recours de Sylvianne et Bernard Jordan doit être rejeté, tandis que le recours du Dr. Y doit être admis et l’ordonnance du 28 janvier 2019 réformée aux chiffres II, IV et VI de son dispositif en ce sens qu’une indemnité de CHF 32’000.- est allouée au Dr. Y pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure, à la charge de l’Etat (II), que les conclusions de Sylvianne et Bernard Jordan tendant à l’allocation d’une indemnité au sens de l’art. 433 CCP à la charge du Dr. Y sont rejetées (IV) et que la part des frais qui n’est pas mise à la charge du Dr. X est à la charge de l’Etat (VI). 

2.                   Les frais de la procédure de recours, constitués en l’espèce du seul émolument d’arrêt (art. 422 al. 1 CPP), par CHF 2’530.- (20 al. 1 TFIP) seront mis à la charge de Sylvianne et Bernard Jordan, qui ont conclu au rejet du recours du Dr. Y. (art. 428 al. 1 CPP), à parts égales et solidairement entre eux. 

3.                  Le Dr. Y., qui a obtenu gain de cause et qui a procédé avec l’assistance d’un conseil professionnel, a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours (art. 429 al. 1 let. a CPP, applicable par renvoi de l’art. 436 al. 1 CPP). Au vu de l’écriture déposée, c’est une indemnité de CHF 1’050.-, correspondant à 3 heures d’activité au tarif horaire de CHF 350.- (art. 26a al. 3 TFIP), plus un montant correspondant à la TVA – étant rappelé que si les indemnités au sens des art. 429 ss CPP ne sont pas soumises à la TVA, il convient de tenir compte du fait que les honoraires payés par la partie à sa avocat sont quant à eux soumis à la TVA -, par CHF 80.85, soit de CHF 1’130.85 au total, qui sera alloué au Dr. Y, à la charge de l’Etat. 

Par ces motifs, la Chambre des recours pénale prononce

I.      Le recours de Sylvianne et Bernard Jordan est rejeté.

II.     Le recours du Dr. Y. est admis.

III.   L’ordonnance du 28 janvier 2019 est réformée comme suit aux chiffres II, IV et V de son dispositif :

II. Les conclusions du Dr. X tendant à l’allocation d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP sont rejetées. Une indemnité de CHF 32’000.- est allouée au Dr. Y, à la charge de l’Etat, pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure.

IV. Les conclusions de Sylvianne et Bernard Jordan tendant à l’allocation d’une indemnité au sens de l’art. 433 CPP à la charge du Dr. Y sont rejetées. 

VI. Les frais de procédure sont mis pour moitié, soit par CHF 30784.75 à la charge du Dr. X. l’autre moitié étant laissée à la charge de l’Etat. 

L’ordonnance est confirmée pour le le surplus. 

IV.     Une indemnité de CHF 1’130.85 est allouée au Dr. Y. pour la procédure de recours, à la charge de l’Etat.

V.    Les frais de la procédure de recours, par CHF 2’530.- sont mis à la charge de Sylvianne et Bernard Jordan, à parts égales et solidairement entre eux,.

VI.      L’arrêt est exécutoire. 

Un recours contre cette décision sera déposé auprès du Tribunal fédéral.