Bien que le compte-rendu ci-après (procédure pénale civile comprise) pourra vous paraître fastidieux, il a le mérite d’apporter, selon moi, un bel éclairage sur le fonctionnement de la justice militaire, de la justice vaudoise et de l’armée dans cette affaire. Afin de respecter la loi fédérale sur la protection des données, les noms des protagonistes ne seront pas mentionnés.

LA PROCEDURE PENALE MILITAIRE

Juillet 2012 – Août 2013


Le jour suivant l’hospitalisation de Nils, une enquête en complément de preuve est ouverte par la justice militaire et confiée à un Juge d’Instruction militaire.

Afin de nous représenter, nous mandatons Me Shahram DINI, avocat à Genève.

13/19.07.2012 :  Auditions à Bière, par la police militaire, du commandant de compagnie (capitaine) et de nombreuses recrues. Saisie de divers documents. Il en ressort que :

  • Le 3 juillet 2012, lors d’une course de 4800 mètres, Nils a dû s’arrêter à plusieurs reprises, respirant et transpirant abondamment ; au terme de l’exercice, il a vomi.
  • Lors d’une autre course, le 5 juillet 2012, il a eu une crampe à une jambe, de nouvelles difficultés à respirer ainsi que des sueurs.
  • Pendant la garde de nuit du 5 au 6 juillet 2012, lors des périodes de repos, il respirait fortement par la bouche, avec des ronflements et apnées marquantes durant son sommeil.
  • Dans la matinée du vendredi 6 juillet 2012, il a déposé une demande d’entretien avec un psychologue, étant à bout.
  • Le même jour, vers 23h30, un de ses camarades l’a entendu respirer très bruyamment et faire un bruit anormal, comme de l’apnée. Il a allumé la lumière et s’est rendu auprès de lui. Il a alors constaté qu’il ne respirait plus, qu’il avalait de l’air de manière totalement désordonnée, qu’il avait des sueurs froides et que son pouls n’était plus perceptible. Le médecin militaire, le 144 et la REGA ont été alertés et Nils emmené au CHUV.

Il faut noter qu’avant qu’elle ne débute, Nils ne nous avait jamais part de la moindre réticence à effectuer son école de recrues. Toutefois, lors de ses premiers jours de service militaire, il a envoyé plusieurs messages à mon épouse pour lui exprimer ses grandes difficultés physiques et psychiques à supporter les conditions de vie à la caserne. Ces messages ont été transmis par notre avocat au Juge d’Instruction militaire.

26.07.2012 : Courrier de Me DINI au Juge d’instruction militaire afin d’obtenir une copie complète du dossier médical militaire de Nils.

02.08.2012 :  Courrier de Me DINI à deux médecins des soins intensifs du CHUV afin d’obtenir une copie complète du dossier médical de Nils, ainsi que du rapport d’autopsie.

02.08.2012 :  Courriers de Me DINI au médecin traitant et au pédiatre de Nils afin d’obtenir une copie complète de ses dossiers médicaux.

09.10.2012 : Entretien à Lausanne, en présence de notre avocat, avec un médecin des soins intensifs du CHUV, le Conseil de santé, autorité compétente pour la levée du secret médical au sein du Service de la santé publique du Canton de Vaud, nous ayant autorisé une lecture accompagnée du dossier médical.

19.10.2012 :  Courrier de Me DINI au Juge d’Instruction militaire, suite à l’entretien précité et duquel en ressortent les éléments suivants :

  • A son admission au CHUV le 7 juillet 2012, Nils a subi un premier électrocardiogramme. Cet ECG a révélé l’existence d’un syndrome du QT long (LQTS), soupçonné d’être la cause probable des arrêts cardiaques survenus quelques heures plus tôt.

Le QT est l’intervalle qui correspond à la durée totale de l’activation ventriculaire, allant du début de l’onde Q jusqu’à la fin de l’onde T. Une prolongation ou un raccourcissement de cet intervalle peut suggérer un trouble électrolytique. Le QTc (c signifiant corrigé) est ajusté à la fréquence cardiaque. Un intervalle QT au-dessus de 440ms est considéré comme prolongé et appelé QT long, impliquant l’existence d’un syndrome du QT long (LQTS). Le LQTS est une anomalie du système électrique du cœur qui prédispose les personnes affectées à un rythme très rapide du cœur, qui peut mener à la perte soudaine de conscience et peut causer la mort d’origine cardiaque. Parmi les facteurs de déclanchement du LQTS, on note la natation, la course à pied, les sursauts (réveille-matin, klaxons, etc.) et les émotions (colère, situation de stress, etc.). La pratique du sport est généralement déconseillée.

  • Tous les examens toxicologiques effectués dès l’admission de Nils au CHUV ont donné des résultats négatifs. Il n’était donc sous l’effet d’aucun médicament ou substance toxique.
  • Le CHUV a contacté l’armée et a obtenu par fax l’ECG pratiqué lors du recrutement de Nils le 10 février 2011. Cet ECG révélait également l’existence d’un LQTS.
  • Le 9 juillet 2012, les ECG ont été soumis à un cardiologue réputé du CHUV, lequel a confirmé dans un rapport le diagnostic du syndrome LQTS. Afin d’en déterminer le type exact (il en existe plusieurs), il a recommandé une analyse génétique.
  • Le rapport médical établi le 13 juillet 2012 par le médecin des soins intensifs indique que la cause du décès est une encéphalopathie post-anoxique (soit une mort cérébrale due à la lésion et l’inflammation du cerveau suite aux arrêts cardiaques du 7 juillet 2012), le diagnostic principal étant arrêt cardio-respiratoire sur syndrome du QT long.

Me DINI relève qu’avec les réserves qui s’imposent jusqu’au rapport d’autopsie et expertise médicale, le décès de Nils semble être dû au syndrome du QT long. Il semble également que l’existence de cette affectation chez Nils apparaissait déjà sur l’ECG pratiqué en février 2011, lors du recrutement à Lausanne. Par conséquent, à la lecture de cet ECG, les médecins de l’armée auraient pu et dû constater l’existence d’un LQTS, en informer Nils et le déclarer inapte au service militaire.

Au vu de la négligence manifeste ayant conduit au décès de notre fils, nous déposons plainte, dans le cadre de ce courrier, pour homicide par négligence.

Outre l’ouverture d’une instruction pour homicide par négligence, notre Conseil demande que le dossier médical du CHUV ainsi que le dossier médical militaire soient versés à la procédure et qu’une expertise neutre, menée par un cardiologue non militaire, spécialisé en rythmologie, soit ordonnée.

De plus, il demande d’établir quel médecin a effectué l’ECG de Nils lors du recrutement, quel(s) autre (s) médecin (s) a (ont) examiné cet ECG, quel constat a été fait, quelles suites ont été données et qui a déclaré Nils apte au service militaire.

09.11.2012 : Appel téléphonique du Juge d’Instruction militaire à Me DINI. Il l’informe qu’il n’a pas encore reçu le rapport d’autopsie mais que celui-ci devrait lui être transmis dans un délai de 7 à 10 jours. A réception de ce rapport, il considère qu’il aura terminé son enquête en complément de preuve et soumettra sa décision au Procureur militaire, soit une proposition de classement, soit une proposition d’ouverture d’une instruction ordinaire (probablement pour homicide par négligence), cette deuxième hypothèse lui semblant la plus probable.

20.12.2012 : Transmission par notre Conseil au Juge d’Instruction militaire des dossiers médicaux de Nils reçus de son pédiatre et de son médecin traitant.

16.01.2013 :  Transmission par le Juge d’Instruction militaire à notre avocat du rapport d’autopsie daté du 23 novembre 2012.

24.01.2013 :  Courrier de notre avocat au Juge d’Instruction militaire. Il y fait mention du rapport d’autopsie confirmant la cause du décès telle que retenue par le CHUV et tendant à confirmer l’existence d’une négligence au stade de l’examen médical effectué lors du recrutement. Me DINI demande qu’il soit procédé aux actes d’instruction déjà requis au mois d’octobre 2012.

06.02.2013 :  Transmission du Juge d’Instruction militaire à notre avocat d’un rapport demandé au service médico-militaire au sujet du processus de réalisation et d’interprétation des ECG lors du recrutement.

07.02.2013 :  Courrier électronique du Juge d’Instruction à notre avocat qui indique connaître déjà l’identité des deux médecins ayant examiné l’ECG de Nils lors du recrutement.

19.03.2013 :  Courrier de Me DINI au Juge d’Instruction militaire.

Il indique que selon le rapport d’autopsie, l’ECG protocolé lors du recrutement de Nils mentionnait :

  • intervalle QTc : 470ms
  • diagnostic du médecin : « dans les limites de la norme »
  • « ECG d/m Dr  … : ok, laisser passer ».

Or, selon les « Recommandations pour l’interprétation des ECG » du Service médico-militaire, dans son édition du 1er mars 2011, l’intervalle QTc mesuré à 470ms était supérieur :

  • de 70ms à la limite supérieure de la fourchette d’un intervalle QTc normal,
  • de 20ms à la limite du cas pathologique.

Malgré cela, il semble qu’en violation de ces mêmes recommandations, Nils

  • n’a pas fait l’objet d’une consultation spécialisée
  • n’a pas été déclaré apte au service après certification par un spécialiste
  • n’a pas été informé de la pathologie dont il était affecté.

Me DINI demande par ailleurs des précisions sur l’identité exacte du médecin dont le nom n’apparaît que partiellement sur le document du recrutement, s’il s’agit bien du médecin-chef du centre de recrutement de Lausanne et dans l’affirmative, s’il est au bénéfice d’une spécialisation en cardiologie/rythmologie.

Notre avocat précise que nous persistons dans les termes de notre plainte pénale du 19 octobre 2012, sollicitons toujours l’ouverture d’une information pour homicide par négligence et demandons que l’enquête avance, compte tenu du temps déjà écoulé depuis le décès de notre fils, survenu huit mois plus tôt.

10.04.2013 :  Requête du Juge d’Instruction militaire auprès d’un médecin du service médico-militaire d’un complément au rapport du 30 janvier 2013, concernant la pratique en matière d’ECG et la façon dont l’ECG de Nils avait été traité lors de son recrutement.

15.05.2013 :  Transmission par le Juge d’Instruction à notre avocat du rapport complémentaire demandé le 10 avril 2013. Me DINI demande une traduction en français de ce document, ce qui ne sera jamais fait.

27.05.2013 :  Courrier du Juge d’Instruction militaire à notre avocat qui indique qu’il attend des informations d’un cardiologue indépendant de l’armée au sujet de l’analyse de l’ECG de Nils et de la question de savoir si les médecins du recrutement auraient pu ou dû détecter quelque chose et en informer notre fils. Il propose de nous recontacter à ce sujet pour décider s’il entend procéder à l’audition des deux médecins recruteurs.

18.07.2013 :  Courrier du Juge d’Instruction militaire à notre avocat, après avoir été sollicité par ce dernier afin d’activer l’enquête. Il y fait part de son intention de clôturer l’enquête, avec une proposition de classement.

Il relève que les deux médecins recruteurs sont des employés du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) et qu’ils ne sont, dès lors, pas soumis à la juridiction militaire. Ils ne l’étaient pas non plus lors du recrutement de Nils en février 2011.

Il ajoute qu’une éventuelle plainte contre les praticiens devrait être déposée auprès des autorités de poursuites civiles, soit le Ministère public du canton de Vaud, compétent pour le centre de recrutement de Lausanne.

20.08.2013 :  Entretien informel avec le Juge d’Instruction militaire, à notre demande, à l’Etude et en présence de notre avocat. A cette occasion, il confirme sa volonté de clôturer l’enquête, la justice militaire n’étant pas compétente. Il déclare qu’à sa connaissance, lors du recrutement, l’électrocardiographe était mal paramétré, que les médecins recruteurs n’y sont pour rien et que le décès de notre fils n’est dû qu’à la seule fatalité.

26.08.2013 :  Rapport de clôture du Juge d’Instruction militaire adressé au Procureur militaire. En substance, son enquête lui a permis de retenir les éléments suivants :

  • L’ECG réalisé sur Nils en février 2011 n’a pas été contesté par la machine (électrocardiographe), la valeur de 470ms était en effet jugée acceptable selon les standards appliqués lors du recrutement (valeur limite de 500ms). Les nouvelles recommandations pour l’interprétation des ECG ne sont entrées en vigueur de manière provisoire que le 1er mars 2011 (la limite maximale pour un LQTS étant alors fixée à 450ms.)
  • Cet ECG a malgré tout fait l’objet d’un examen particulier en raison de variations constatées par le médecin (que nous appellerons ci-après le Dr. Y.) dans le segment ST. Cet ECG a ensuite été examiné par son supérieur, (que nous appellerons ci-après le Dr. X.), qui a considéré, à la lumière de l’anamnèse de Nils, qu’il était dans les limites de la norme.
  • L’analyse du Dr. X (variations dans les limites de la norme) a d’ailleurs été confirmée ultérieurement par le médecin du service médico-militaire ayant établi les rapports susmentionnés, ainsi que par deux cardiologues externes, respectivement de Thoune et Berne.

A ce stade, il sied de relever que les deux cardiologues en question ont participé, avec le service médico-militaire, à l’élaboration des « Recommandations pour l’interprétation des ECG » du 1er mars 2011. Chacun pourra donc apprécier la notion d’indépendance de leurs analyses.                       

  • Selon un de ces deux cardiologues, l’ECG présentait effectivement des variations, mais celles-ci n’avaient aucun rapport avec la problématique du syndrome LQTS, seul en cause dans le décès de Nils.
  • Selon le médecin du service médico-militaire, les nouvelles directives (entrées en vigueur 3 semaines après le recrutement de Nils) n’étaient pas accessibles à ses deux confrères lors du recrutement.
  • Selon la confirmation écrite du 13 août 2013 du service juridique de l’Office de l’auditeur en chef, il apparaît que les deux médecins recruteurs sont des employés civils du DDPS et qu’ils ne sont, à ce titre, pas soumis à la juridiction militaire. Ils ne l’étaient pas non plus le jour du recrutement le 10 février 2011, étant donné qu’il ne s’agit pas d’un acte intéressant la défense nationale et qu’ils ne portaient pas l’uniforme ce jour-là.

Sur la base de ces éléments, le Juge d’Instruction militaire déclare que les deux médecins ont agi dans les limites des règles applicables lors du recrutement de Nils. Cela étant, la question d’une éventuelle négligence de leur part dans l’analyse de l’ECG et de l’éventuel lien de causalité adéquate avec le décès de Nils peut être laissée ouverte dans le cadre de la présente enquête en complément de preuves, dans la mesure où ils ne sont pas soumis à la justice militaire. Le cas échéant, cette question devra être examinée par la justice civile.

En finalité, le Juge d’Instruction militaire propose au Procureur militaire de ne donner aucune suite à l’affaire.

Cette décision sera validée peu après.

 

LA PROCEDURE PENALE CIVILE

Octobre 2013 – ?

 

21.10.2013 :  Dépôt d’une plainte pénale pour homicide par négligence auprès du Ministère public du canton de Vaud contre les deux médecins recruteurs.

12.12.2013 :  Mise sous séquestre, par le Procureur vaudois en charge de l’affaire, du dossier médical de Nils.

06.01.2014 :  Entretien avec le Médecin en chef de l’Armée, à son initiative, à l’Etude et en présence de notre avocat. Il est en possession d’une copie du dossier médical militaire de Nils, dont de nombreuses pièces n’avaient jamais été portées à notre connaissance.

  • Il nous explique que l’électrocardiographe de marque Schiller utilisé lors du recrutement est le même que ceux utilisés par les médecins et les hôpitaux, qu’il est paramétré par le fabriquant et que les paramétrages ne peuvent être modifiés par les usagers.
  • L’électrocardiographe est paramétré pour diagnostiquer automatiquement l’existence d’un syndrome de QT long à partir d’un intervalle de 470ms.
  • Dans le cas de Nils, la machine a diagnostiqué un QT long et fait apparaître la mention « Verlängerung » (prolongation). Le Médecin en chef nous montre un « print screen » de ce diagnostic en précisant que cette information n’est pas imprimée avec l’ECG, mais apparaît à l’écran pendant l’examen pour informer le médecin.

09.01.2014 :  Courrier de Me DINI au Procureur vaudois en charge de l’affaire. Il y fait mention de notre entrevue avec le Médecin en chef de l’armée et des informations qu’il nous a communiquées. Tout en relevant les contradictions avec les conclusions du Juge d’Instruction militaire, il demande que l’Armée produise, une fois pour toute, le dossier médical complet de notre fils, notamment les données de l’ECG enregistrées lors du recrutement.

30.01.2014 :  Auditions par le Procureur vaudois de mon épouse et moi-même, en qualité de plaignants. Nous confirmons notre plainte. Le magistrat nous fait bien remarquer que les poursuites judiciaires engagées contre des médecins n’aboutissent pratiquement jamais.

14.05.2014 :  Audition par le Procureur vaudois du médecin-chef du centre de recrutement de Lausanne, le Dr. X. Médecin généraliste, avec une spécialisation en gériatrie, il a commencé à travailler pour le centre de recrutement de Lausanne en 2006, avant d’en devenir le médecin-adjoint puis le médecin-chef en 2010.

  • Il explique qu’en 2011, le recrutement se déroulant sur deux jours débutait par la visite sanitaire d’entrée qui durait environ trois minutes par conscrit et qui permettait de savoir s’il y avait un problème pour passer la nuit, un problème psy, une consommation de stupéfiants, un traitement médical, un casier judiciaire. Au terme de cette visite sanitaire d’entrée, 10 à 15 recrues (parfois jusqu’à 30) parmi les 150 présentes étaient immédiatement renvoyées.
  • Lors des cycles de recrutement, les médecins reçoivent également des recrues qui ont déjà participé aux journées de recrutement mais qui doivent se représenter avec un dossier médical pour une nouvelle appréciation de leur aptitude au service.
  • Au total, lui est ses collègues reçoivent environ 300 recrues par semaine et entre 10’000 et 11’000 par année.

Il faut relever que lors de son audition, le Dr. X., lorsqu’il énumérait les chiffres, ne parlait ni de recrues, ni de conscrits, ni de jeunes, mais de « produits ». Ainsi, chaque semaine, ils recevaient 300 « produits », chaque année entre 10’000 et 11’000 « produits », etc. Ce n’est que lorsque le Procureur lui a finalement demandé ce qu’il entendait par « produit » qu’il a précisé « recrue ». Cela n’a malheureusement pas été protocolé dans le procès-verbal.

  • Pour les recrues n’ayant pas été renvoyées à la visite sanitaire d’entrée, un examen clinique individuel est effectué. Le médecin militaire écoute le cœur, les poumons, examine le système orthopédique (dos, articulations). Par ailleurs, un examen de la vue, de l’audition ainsi qu’un électrocardiogramme sont pratiqués par des soldats avant d’être examinés par le médecin. Au terme de ces examens médicaux, tous les médecins recruteurs se réunissent afin de discuter de chaque cas (réunion appelée casuistique). L’affectation de la recrue n’est discutée que le second jour du recrutement. A ce moment, lors de la Commission de visite sanitaire de recrutement (CVS ou CVSR), il (le Dr. X.) reprend les examens, les critères médicaux et le sport et décide de l’aptitude ou de l’inaptitude au service militaire.
  • Il n’a pas de souvenir précis du cas de Nils. Evidemment, ils en ont parlé après son décès. Il ne se souvient pas comment l’interprétation s’est faite, ni quelles questions précises ont été posées à ce moment-là. Un ECG ne se lit pas seulement sur un QT long, il y a de multiples paramètres (axe cardiaque, fréquence, rythme). Après on entre dans toutes les particularités de tous les tracés et il faut regarder chaque tracé l’un après l’autre, notamment si c’est en conformité avec les recommandations en vigueur, s’il n’y a pas de cas dans la famille, de prise de médicaments, si ce n’est pas quelque chose de déjà connu, s’il y a eu des syncopes chez la personne ou dans sa famille.
  • Il se souvient que le deuxième jour du recrutement, il a été interrompu pendant une consultation par le Dr. Y. qui lui a présenté un « bout » de l’ECG de Nils. Il ne se rappelle pas avoir vu Nils lui-même. Cet entretien faisait suite à une question particulière, mais il ne se souvient plus laquelle.
  • Sur le document où il est inscrit : « ECG d/m Dr. X. : Ok, laisser passer », il dit ne pas penser s’être exprimé en ces termes, que c’est son collègue qui a écrit cela.
  • Par rapport au QTc (470 ms) de Nils, il dit qu’en règle générale, les médecins militaires déclaraient inaptes au service les recrues avec un QTc supérieur à 500ms. C’était la seule consigne qu’ils avaient à l’époque. A 470ms, ils posaient des questions assez précises, à savoir si la recrue prenait des médicaments, s’il y avait déjà des cas de QT long dans sa famille, si elle avait déjà été victime de syncope, etc.
  • Il savait qu’il y allait avoir de nouvelles recommandations, mais il en ignorait le contenu. Il n’a pas participé à la procédure de consultation de ces nouvelles recommandations et, à son souvenir, aucun cours y relatif, n’avait été donné dans le cadre militaire à cette époque.
  • A titre personnel, il n’a pas suivi de cours privés pour les ECG et la problématique du QT. L’armée ne formait pas les médecins recruteurs à l’interprétation des ECG au moment de leur entrée en fonction.
  • Questionné sur la raison pour laquelle le Dr. Y. lui a soumis l’ECG de Nils (les valeurs étant pour lui normales), il répond « il faudra lui demander ». Il précise qu’il n’est ni cardiologue, ni rythmologue et qu’un QTc nécessite une anamnèse poussée. Selon lui, lorsque le Dr. Y. lui a montré l’ECG, l’anamnèse n’avait pas encore été faite.
  • Il dit qu’en 2011, il ignorait quelle était la mesure QTc paramétrée par l’électrocardiographe et en quel terme l’appareil de mesure signalait le dépassement de la mesure paramétrée.
  • Il ne peut dire quand exactement il a reçu les nouvelles recommandations du 1er mars 2011, mais que cela a pu arriver avec un mois de retard. Dans les deux semaines qui ont suivi, il en a pris connaissance, notamment la valeur limite du QTc rabaissée de 500ms à 450ms.
  • A la question de savoir pour quelle raison il n’a pas ressorti le dossier de Nils, il répond que ce n’est pas réalisable, qu’à la fin de chaque recrutement tout part à Berne, qu’il ne peut pas récupérer les dossiers et qu’il n’en jamais fait la demande. De plus, il ne s’est pas souvenu du cas de Nils au moment de prendre connaissance des nouvelles directives.
  • Il ne se souvient pas avoir demandé au Dr. Y. quel était le diagnostic automatique de l’électrocardiographe, ni lui avoir demandé d’informer Nils de sa situation, ni de lui recommander de conseiller Nils d’aller voir un spécialiste.

14.05.2014 :  Audition par le Procureur vaudois du second médecin recruteur, le Dr. Y. Chirurgien de formation, il a occupé de nombreux postes en Suisse et à l’étranger, avant d’être engagé, le 3 janvier 2011, au centre de recrutement de Lausanne.

  • Il reconnaît avoir constaté et compris que l’électrocardiographe utilisé lors de l’ECG de Nils indiquait expressément une anomalie « QT Verlängerung », la mesure du QTc de 470ms étant signalée comme excédant la limite préprogrammée sur l’appareil de mesure.
  • Bien que n’étant pas cardiologue, il lui a semblé que les segments ST, en particulier, n’étaient pas normaux. Il ne se souvient pas de ce qu’il a pensé des segments QT. Il s’est ensuite rendu auprès de son responsable, le Dr. X., lui déclarant que l’ECG de Nils ne lui plaisait pas.
  • Après avoir consulté l’ECG, le Dr. X. lui a demandé si Nils avait des problèmes cardiaques et s’il y en avait dans sa famille. Comme il avait déjà questionné notre fils à ce sujet, il a répondu par la négative. Le Dr. X. lui a alors dit « Laisser passer », mots qu’ils a reproduits à l’identique dans la rubrique CVS et qui signifiaient pour lui : 1° aucun examen complémentaire – 2° pas de consultation spécialisée – 3° apte au service.
  • Il précise que dans son commentaire, « ECG d/m Dr. X… », le « d/m » signifie « diskutiert mit » soit, en français, « discuté avec ».
  • N’étant en poste que depuis cinq semaines, il s’est fié à l’appréciation de son supérieur, au vu de l’expérience de ce dernier. Par ailleurs, avant d’examiner Nils, il avait été informé oralement par le Dr. X. et un autre collègue que la limite pour l’armée se situait à 500ms, raison pour laquelle il a noté dans la rubrique CVS « dans les limites de la norme », ce malgré le signalement de la machine.
  • Il précise qu’avant ce cas, on ne lui a jamais parlé de l’électrocardiographe Schiller, on ne lui a jamais dit qu’il fallait absolument suivre les indications qu’il donne et on ne lui a pas dit à quelle valeur la machine était paramétrée. Lors du recrutement, il a constaté qu’elle signalait un QT long à partir de 470ms, qu’à ce jour (date de l’audition), elle le fait à 450ms et que dans ce cas, il dirige directement le conscrit vers un spécialiste, sans s’en référer à son chef.
  • Questionné sur le fait de n’avoir pas parlé à Nils du problème constaté et, par conséquent, de ne lui avoir pas recommandé d’aller voir un spécialiste, il répond que cela ne se fait pas, l’avis de son chef primant sur l’indication de l’électrocardiographe. Pour cette même raison, il n’a pas mentionné le problème cardiaque sur la feuille de recrutement destinée à l’officier recruteur, dans le but que Nils ne soit pas affecté à une activité trop physique.
  • Il affirme que depuis la date de son engagement au jour du recrutement de Nils, il n’a jamais soumis un autre ECG à son supérieur ou à son adjoint et que cela était donc rarissime. 
  • Après avoir pris connaissance des nouvelles directives du 1er mars 2011, il n’a pas pensé à Nils, car pour lui l’affaire était réglée, son chef lui ayant dit que c’était bon.
  • A la question de notre avocat de savoir quelle attitude il aurait eu comme médecin au civil dans une telle situation, il affirme qu’il aurait pris directement son téléphone pour appeler un cardiologue, lui aurait faxé l’ECG et aurait demandé une consultation pour son patient.

Au terme de son audition, le Dr. Y. nous présente ses condoléances et reconnaît que, rétrospectivement, ils ont fait faux. Il aurait dû insister, mais, selon lui, cela n’est pas facile entre les subalternes et les supérieurs. Il a été choqué lorsqu’il a vu que c’était lui-même qui avait recruté notre fils et quelque peu soulagé lorsqu’il a constaté qu’il avait, malgré tout, demandé l’avis de son chef. Il nous demande pardon.

Par la suite, dans les couloirs du Palais de Justice, il réitère auprès de nous ses excuses et nous demande une nouvelle fois pardon.

01.07.2014 :  Audition par le Procureur vaudois du Médecin en chef de l’Armée.

  • Il indique que la modification des recommandations concernant la lecture et l’interprétation des ECG, notamment l’abaissement de la mesure plafond du QTc long de 500ms à 450 ms, est entrée en vigueur le 1er mars 2011, soit à peine plus de deux semaines après le recrutement de Nils.
  • Il ajoute que cette modification résultait d’un long processus et était connue des médecins des centres de recrutement bien avant le 1er mars 2011. Il précise que le Dr. X., médecin-chef du centre de recrutement de Lausanne, a participé à une séance d’information à ce sujet, le 10 novembre 2010 à Aarau, et qu’à cette occasion, un des folios exposait clairement le problème du QT.
  • Il précise que les médecins recruteurs peuvent toujours avoir accès aux dossiers des conscrits, suite au recrutement.
  • Il confirme qu’ils doivent se fonder sur leur propre appréciation et sur les diagnostics de l’appareil de mesure pour se déterminer sur l’aptitude au service d’une recrue, rappelant que dans le cas de notre fils, l’appareil avait diagnostiqué un allongement du QT.

01.07.2014 :  Audition par le Procureur vaudois du médecin du service médico-militaire ayant établi les deux rapports à l’attention du Juge d’Instruction militaire.

  • Il déclare ignorer pour quelle raison le Juge d’Instruction militaire l’a mandaté dans cette affaire, mais imagine que c’est son supérieur direct qui l’a recommandé.
  • Il confirme que les médecins recruteurs ne pouvaient avoir, lors du recrutement, connaissance des recommandations du 1er mars 2011. Questionné sur la conférence à Aarau le 18 novembre 2010, il reconnaît y avoir participé lui-même, qu’elle ne portait pas spécifiquement sur la problématique du QT et que cela n’est pas suffisant pour exiger des médecins qu’ils la considèrent comme une directive.
  • Concernant les rapports qu’il a établis à l’attention du Juge d’Instruction militaire, il reconnaît que, contrairement à ce qu’il a écrit, l’électrocardiographe a bel et bien signalé un QT long. A l’époque, il s’était basé sur un autre système qui ne signalait pas cette anomalie ( ?). Il n’a été avisé de son erreur qu’à fin 2013, lors d’une conversation avec son supérieur direct.
  • Il précise, qu’en fait, dans ses rapports, il n’a jamais dit que les médecins, lors du recrutement, n’avaient pas eu connaissance des nouvelles directives, mais que celles-ci n’étaient pas encore disponibles. Il n’a pas parlé de la conférence d’Aarau car la question ne lui était pas posée et que pour lui, ce n’était pas important dans ce contexte.

01.05.2015 :  Transmission à notre avocat par le Procureur vaudois du rapport d’expertise médicale établi le 30.04.3015 par un cardiologue genevois, spécialisé en rythmologie. Il y est mentionné :

  • Il n’est pas possible de confirmer avec certitude que la cause de décès est due à un syndrome de QT long. Toutefois, en l’absence d’autres pathologies incriminées pouvant expliquer la mort subite et en présence de la mutation à l’analyse génétique, il est raisonnable de supposer que la cause de décès soit en effet un syndrome de QT long.
  • L’ECG du 10 février 2011 ne peut être considéré comme normal en raison de la présence de troubles de la repolarisation, ceci concernant non seulement l’intervalle QTc prolongé, mais également les altérations de la morphologie de l’onde T. De l’avis de l’expert, la mesure automatique de l’intervalle QT par l’électrocardiographe est erronée, probablement en raison de l’onde T bifide. Il a lui-même mesurée manuellement l’intervalle QT à 420ms au lieu des 372ms de la machine.
  • C’est probablement le calcul automatique de l’intervalle QTc (470ms) qui a motivé, à juste titre, le Dr. Y. à demander l’avis au Dr. X. Ce dernier a demandé d’approfondir l’anamnèse cardiovasculaire, ce qui avait déjà été fait (mention dans le dossier sanitaire d’absence de maladies cardiovasculaires familiales ou morts prématurées). Nils a donc été déclaré apte au service.
  • La question est de savoir si les médecins auraient dû se fier à la mesure automatique du QTc. Selon une étude menée chez 41’767 recrues suisses, une comparaison de la mesure automatique par un appareil ECG de marque Schiller et une mesure manuelle de l’intervalle QT a été effectuée. 8’000 ECG ont été choisis au hasard et seulement 3% d’entre eux présentaient une différence entre les mesures. Néanmoins, les sociétés savantes américaines stipulent qu’une vérification manuelle de l’intervalle QT est essentielle en cas de prolongation de la valeur mesurée automatiquement. Dans le cas de Nils, la mesure de l’intervalle QT est difficile, car l’onde T est bifide et pourrait supposer la présence d’une onde U (qu’il ne faut pas inclure pour la mesure de l’intervalle QT). Il faut donc l’œil averti d’un spécialiste pour faire la différence entre une onde T bifide et une onde U. Il a été démontré que la mesure manuelle de l’intervalle QT est parfois difficile et peu reproductible, surtout si mesurée par des non-spécialistes. Les directives de l’armée concernant l’interprétation de l’ECG stipulent qu’un avis spécialisé et nécessaire en cas d’une QTc supérieur à 450ms, avec inaptitude au service dès 500ms. Ces directives datant toutefois du 1er mars 2011 (soit 3 semaines après le recrutement de Nils) et même si le diagnostic n’a pas été posé, les médecins n’ont pas violé les règles de l’art.
  • La morphologie de l’onde T de Nils évoque en premier lieu un syndrome de QT long de type 2. L’analyse génétique a toutefois montré une mutation compatible avec un syndrome de QT long de type 3. Il s’agit d’une entité rare, dont les individus souffrent de mort subite, en général durant des bradycardies ou lors de leur sommeil.
  • Une recommandation européenne de 2006 sur l’aptitude sportive chez les sujets atteints de troubles du rythme stipule que les individus avec un QTc situé entre 440 et 470ms ne devraient pas être engagés dans une activité sportive compétitive. Selon cette définition et en prenant compte du QTc mesuré à 470ms, Nils était à la limite supérieure de la valeur et pouvait donc être considéré comme apte au service, dans la mesure où il était asymptomatique et qu’il n’y avait pas d’anamnèse familiale de mort subite. Cependant, le QTc mesuré manuellement (par l’expert) indique un QTc plus long (au moins 480ms), ce qui l’aurait rendu inapte à une activité sportive compétitive et, par extrapolation, au service militaire.
  • Il est très improbable que l’arrêt cardio-respiratoire de Nils soit dû aux efforts physiques effectués les jours précédents. Dans les syndromes du QT long 1 et 2, les arythmies surviennent pendant ou directement après l’effort ou le stress émotionnel. Dans le syndrome du QT long de type 3, les décès surviennent essentiellement au repos et durant le sommeil.

10.11.2015 :  Audition, à notre demande, de l’expert médical par le Procureur vaudois, ce, malgré l’opposition de l’avocat du Dr. X. qui n’est favorable qu’à un complément d’expertise.

  • L’expert déclare être Président du groupe de travail « stimulation cardiaque et électrophysiologie » de la Société suisse de cardiologie. Ce groupe de travail a été sollicité suite au décès de Nils afin de revoir les recommandations de mars 2011. Toutefois, à titre personnel, il n’a pas été impliqué, mais en a entendu parlé par un collègue en charge du dossier. Il ignore si le groupe de travail a été consulté lors de l’élaboration des recommandations de 2011.
  • Il estime que la probabilité d’un décès dû à un syndrome de QT long est d’environ 90%.
  • Pour lui, cela saute aux yeux que l’ECG effectué lors du recrutement n’est pas normal. Pour un médecin généraliste, c’est moins évident.
  • Il relève que pour tout utilisateur de la machine, le QTc était trop long. Les Dr. X. et Y. étaient en mesure de dire que quelque chose n’allait pas. La mesure a été sous-estimée. Plus que le QTc, ce qui saute aux yeux, c’est la morphologie de l’onde T.
  • Il admet qu’outre une anamnèse, il aurait fallu effectuer un second ECG et que si celui-ci eu avait les mêmes valeurs que le premier, recommander un test génétique.
  • Une fois le diagnostic posé, il aurait fallu éviter certains sports intenses et des médicaments qui prolongent le QT.
  • A la question de savoir ce qu’il aurait fait dans un tel cas, il répond qu’il aurait rédigé un certificat médical à présenter au recrutement.
  • Il considère toutefois qu’avec un QTc à 470ms, on pouvait déclarer Nils apte au service, mais qu’il aurait fallu refaire un second ECG, avec un rythme cardiaque plus bas.
  • A la question de notre Conseil de savoir si déclarer Nils apte au service sans procéder à ce nouvel ECG relevait du pari, il répond par l’affirmative.
  • Il confirme, qu’à priori, il est très improbable qu’il y ait un lien entre l’activité physique pratiquée au service militaire et son décès lié à un syndrome de QT long de type 3. Il estime à plus de 90% que le décès ne soit pas lié aux efforts physiques.

Malgré ces constatations et en totale contradiction avec ses déclarations, il ne revient pas sur les conclusions de son rapport mentionnant que les deux médecins n’ont pas violé les règles de l’art.

04.01.2016 :  Transmission à notre avocat par le Procureur vaudois d’un avis de prochaine clôture. Le magistrat y fait part de son intention de classer l’affaire. Un délai au 25 janvier 2016 (repoussé ensuite, à notre demande, au 12 février 2016) nous est laissé pour la formulation d’éventuelles réquisitions de preuve.

12.02.2016 :  Courrier de notre avocat au Procureur Général. Il y fait part des éléments objectifs du dossier qui s’opposent au classement. (Comme ceux-ci seront repris et développés par la suite, je ne vais pas m’y attarder, mis à part le point suivant). Notre Conseil relève que nous avons soumis l’expertise médicale à un Professeur vaudois, cardiologue spécialisé en rythmologie. Ce dernier confirme que l’ECG de Nils était très clairement anormal et qu’au vu des indications de l’appareil de mesure, les prévenus auraient dû le diriger vers un spécialiste pour d’autres examens. Selon lui, Nils ne pouvait être déclaré apte au service. Au-delà de la défaillance fautive des médecins recruteurs, il estime que la hiérarchie militaire est également fautive, par manque d’instructions et de mesures claires en la matière.

Au vu de ce qui précède et des nombreuses contractions entachant le rapport d’expertise et les déclarations de l’expert, nous nous opposons au classement et demandons au Procureur une contre-expertise médicale.

29.08.2016 : Transmission à notre avocat par le Procureur vaudois de l’ordonnance de classement signée de sa main et datée du même jour. Dans les grandes lignes, il y est mentionné que la réalisation de l’infraction d’homicide par négligence (art. 117 du Code pénal suisse) suppose la réunion de trois conditions, à savoir :

  1. le décès d’une personne
  2. une négligence
  3. un lien de causalité naturel et adéquat entre la négligence et la mort.

Si l’une de ces trois conditions fait défaut, le délit n’est pas réalisé.

La décision du Procureur de classer l’affaire est basée sur le fait que la troisième condition n’est pas réalisée, aucun lien de causalité adéquate avéré entre le service militaire et les efforts qui lui associés et une mort subite découlant d’un syndrome de QT long de type 3.

Dans cette ordonnance de classement, il est également indiqué que :

  • le Dr. X. a commis une négligence en déclarant Nils apte au service suite à une erreur de diagnostic. Et bien qu’il n’existe pas de causalité adéquate avec le décès, c’est un manquement qui lui est imputable à faute qui est à l’origine de l’enquête pénale. Dans ces conditions, la moitié des frais d’enquête (CHF 3’447.25) doit être mis à sa charge.
  • Aucune négligence n’étant en revanche retenue à l’encontre du Dr. Y., ce dernier ne supportera pas les frais d’enquête. Le solde des frais sera laissé à la charge de l’Etat.
  • Les Dr. X. et Y. ont fait valoir une indemnité fondée sur l’art. 429 al. 1 lettre a du Code de procédure pénale (CPP), requérant respectivement des indemnités de CHF 18’659.50 et CHF 18’781.60. Le Dr. X. se voit refuser toute indemnité, alors que le Dr. Y. se voit allouer une indemnité de CHF 15’879.45.

Alors que l’affaire traîne déjà depuis des années, nous n’avons légalement que 10 jours pour faire recours.

09.09.2016 :  Recours contre l’ordonnance de classement du Procureur vaudois déposé par notre avocat auprès de la Chambre des recours pénale du canton de Vaud. Les griefs suivants sont énoncés :

Nous invoquons une constatation erronée des faits, une violation du droit et un abus du pouvoir d’appréciation. S’agissant de la constatation erronée des faits, nous prions la Chambre des recours pénale de se référer à l’exposé des faits, notamment aux points suivants :

  • Le Procureur a retenu que les deux médecins recruteurs avaient constaté et compris que l’ECG de Nils était anormal et que l’appareil de mesure Schiller signalait la valeur mesurée comme excessive,
  • Il a retenu que le Dr. X. avait violé les règles de l’art médical et failli à la diligence requise par sa profession

– en ne procédant pas à une nouvelle ECG,

– en ne requérant pas l’avis d’un spécialiste,

– en n’informant pas Nils de leurs constatations.

  • Or, dans le chapitre de son ordonnance relatif à l’examen du lien de causalité entre la négligence et le décès, le Procureur indique que le Dr. X. a déclaré Nils apte au service suite à une erreur de diagnostic. Cette affirmation est contraire à la première partie de son ordonnance, aux constatations de l’expert et aux faits clairement établis par la procédure, notamment les propres déclarations des Dr. X. et Y.
  • Toujours dans le même chapitre de son ordonnance, le Procureur a procédé à une appréciation erronée des faits en retenant que selon le rapport d’expertise :

– l’arrêt cardio-respiratoire de Nils était dû à 90% au syndrome du QT long d’une part,

– tout lien de causalité entre le décès et une activité physique ou un stress psychologique était exclu.

  • Or, l’expert a bien reconnu que le syndrome du QT long était la seule cause plausible de l’arrêt cardio-respiratoire. En revanche et contrairement à ce que retient le Procureur, il n’a pas complètement exclu tout lien de causalité entre le décès et la fatigue physique et du stress psychologique du service militaire.

C’est manifestement à tort que le Procureur a retenu que l’expert avait exclu tout lien de causalité entre le décès et la fatigue résultant de l’activité physique et du stress lié au service militaire. En effet, l’expert a admis que tant d’une manière générale que dans le cas d’espèce, ce rapport de causalité était possible. Il a évalué cette marge possible à 10%, étant rappelé que cette estimation ne repose sur aucune documentation médicale.

La documentation médicale produite ainsi que les recommandations de l’armée stipulent clairement que même dans les cas de QT long de type 3, les sports et les activités physiques éprouvantes doivent être évitées (inaptitude au service militaire).

Dans le cas particulier de Nils, qui s’est plaint tant de la fatigue physique que du stress subi après quelques jours de service militaire, le rapport de causalité dénié par le Procureur apparaît plus que plausible, comme l’a d’ailleurs affirmé le Professeur vaudois que nous avons consulté.

Cette constatation inexacte des faits par le Procureur a eu pour conséquence une violation du droit. Excluant tout lien de causalité, il a considéré à tort que les conditions d’un homicide par négligence n’étaient pas réalisées.

Dans ces conditions, les soupçons de la commission d’un homicide par négligence, établis sur la base de l’instruction, sont suffisants et il appartenait au Procureur de procéder, non pas au classement, mais à une mise en accusation des deux prévenus, voire de leur supérieurs hiérarchiques, en raison des carences dans l’organisation de l’examen médical.

Nous sommes particulièrement choqués de constater qu’après l’incompétence de la justice pénale militaire, la justice pénale ordinaire puisse commettre de telles erreurs dans la constatation des faits, après tant d’années d’instruction, dans une affaire d’une telle gravité.

Dans notre détermination du 12 février 2016, nous avions requis une contre-expertise médicale en raison des différentes contradictions qui entachent le rapport et les déclarations de l’expert. Le Procureur a décidé de ne pas y donner suite.

Après un réexamen complet de la procédure, nous ne sommes plus convaincus de la nécessité d’ordonner une contre-expertise, dès lors que même l’expert a admis que le lien de causalité dénié par le Procureur n’était pas exclu mais reste possible.

L’opinion exprimée par le Professeur vaudois que nous avons consulté et la documentation médicale produite confirme également que, même dans un cas de QT long de type 3, les activités physiques intenses (et donc le service militaire) doivent être évitées, ce qui revient à admettre l’existence d’un lien de causalité avec un arrêt cardio-vasculaire.

Nous concluons donc, à titre subsidiaire, à l’exécution d’une contre-expertise médicale, laissant à l’autorité de Céans, l’appréciation de son opportunité.

Le Procureur a également procédé à une appréciation arbitraire des faits et une violation du droit en considérant que le Dr. Y. n’avait commis aucune négligence, dès lors qu’il s’était contenté de se conformer aux instructions et aux appréciations du Dr. X.

Même s’il existait un rapport de hiérarchie entre ces derniers, le Dr. Y. est néanmoins un médecin à part entière, avec les droits et obligations qui en découlent.

Nous tenons à saluer la franchise et le courage du Dr. Y., qui à la différence de son collègue, a admis et reconnu ses propres manquements et qui nous a présentés ses excuses. Il n’en demeure pas moins qu’il ne doit pas pour autant échapper à l’application du droit.

Le Dr. Y. a parfaitement réalisé et compris les anomalies qui entachaient l’ECG de Nils, au même titre que le Dr. X. Sur la base des indications de l’ECG, ils ne pouvaient pas savoir à quel type de QT long ils étaient confrontés. Sauf à faire un pari – pour reprendre les termes de l’expert -, ils se devaient d’informer Nils de leur constat et de l’acheminer à procéder à des examens plus poussés, auprès d’un spécialiste et afin de clarifier le diagnostic, ainsi que l’expert a fini par l’admettre péniblement, au fil des questions.

Or, il est incontestable que si les prévenus avaient agi de la sorte, Nils n’aurait pas été déclaré apte au service. Par voie de conséquence, il n’aurait pas été placé dans les conditions de fatigue et de stress, dont il s’est largement plaint dans ses premiers jours d’école de recrues et qui l’ont conduit au décès.

Comme confirmé par l’expert et le Médecin en chef de l’Armée, ils auraient, à tout le moins, dû informer Nils de leur constat afin de l’inciter à procéder à des examens médicaux. Ils ont donc clairement failli à leur devoir d’information au patient.

21.12.2016 :  Transmission à notre avocat par la Chambre des recours pénale du canton de Vaud de son arrêt du 5 décembre 2016. La décision est la suivante :

  1. Notre recours est rejeté.

Il y est notamment indiqué que médicalement, la probabilité qu’il existe un lien entre l’activité physique et le stress et l’arythmie cardiaque dont a été victime Nils dans la nuit du 6 juillet 2012 est inférieure à 10%.

Au vu de cet élément, il apparaît qu’indépendamment de la négligence qui pourrait être reprochée aux médecins, les mesures qui auraient pu être préconisées (nouvel électrocardiogramme, recours à un cardiologue spécialiste, information au patient et éventuelles réserves à l’aptitude de la victime au service militaire) auraient tout au plus permis de supprimer ou de limiter les efforts physiques du conscrit, mais n’auraient, selon toute vraisemblance, pas permis d’éviter directement le décès prématuré de Nils intervenu durant son sommeil.

En définitive, l’existence d’un lien de causalité entre le fait que les médecins aient jugé Nils apte au service militaire et le tragique décès du prénommé n’est pas établi, si bien qu’en cas de renvoi en jugement, la probabilité d’une condamnation des prévenus apparaît moins vraisemblable qu’un acquittement. C’est ainsi à juste titre que le Procureur a ordonné le classement de la procédure au sens de l’art. 319 CPP.

Les recourants requièrent encore que le Ministère public soit invité à ordonner la mise en prévention d’homicide par négligence du ou des supérieurs hiérarchiques des prévenus en charge de l’organisation des visites médicales au recrutement de février 2011 et/ou en charge de l’application des recommandations de l’armée pour l’interprétation des ECG. Il ne saurait être donné suite à cette réquisition, dès lors que seuls sont clairement en cause les deux médecins prévenus et personne d’autre. On relèvera que même si une négligence des supérieurs hiérarchiques pouvait être établie, une condamnation ne serait pas envisageable faute de lien de causalité.

  1. L’ordonnance du Procureur du 29 août 2016 est confirmée.
  2. Les frais de la procédure de recours (CHF 1’980.-) sont mis à notre  charge.
  3. Un montant de CHF 2’268.- est alloué au Dr. Y. à titre d’indemnité pour la procédure de recours, à la charge de l’Etat.
  4. Un montant de CHF 3’294.- est alloué au Dr. X. à titre d’indemnité pour la procédure de recours, à la charge de l’Etat.
  5. L’arrêt est exécutoire.

01.02.2017 :  Recours au Tribunal fédéral contre la décision de la Chambre des recours pénale du canton de Vaud.

19.10.2017 :  Arrêt (6B_170/2017 accessible sur le site www.bger.ch/fr/index.htm) de la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral. Il y est notamment mentionné :

  1. Les recourants font valoir un droit de recours fondé sur les art. 10 al. 1 et 3 Cst. (Constitution fédérale), 2 et 3 de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Ces articles interdisent la torture, ainsi que les peine ou traitements inhumains ou dégradants. Ces exigences doivent valoir à fortiori lorsque l’intéressé est décédé des suites d’un traitement prétendument inapproprié. En effet, le droit à la vie, tel qu’il est garanti aux art. 2 CEDH et 10 al. 1 Cst, implique notamment une obligation positive pour l’Etat parties de préserver la santé et la vie des personnes placées sous sa responsabilité. Ce droit nécessite une protection juridique accrue. Cette protection que l’Etat doit offrir aux personnes se trouvant dans une situation de vulnérabilité s’étend également aux conscrits au service militaire obligatoire. Cette configuration particulière impose ainsi à l’Etat d’assurer une protection effectives des conscrits qui pourraient se voir exposer aux dangers inhérents à la vie militaire et prévoir des procédures adéquates permettant de déterminer les défaillances ainsi que les fautes qui pourrait être commises en la matière par les responsables à différents échelons. Dans ce contexte s’inscrit aussi la mise en place par les établissements sanitaires concernés de mesures réglementaires propres à assurer la protection des appelés ; les actes et omissions du corps médical militaire dans le cadre des politiques de santés les concernant peuvent, dans certaines circonstances, engager leur responsabilité sous l’angle de l’art. 2 CEDH.

En Suisse, tout Suisse est astreint au service militaire ; la recrue déclarée apte au service n’a dès lors en principe pas d’autre choix que d’effectuer ensuite son école de recrue. Le devoir de protection incombant à l’Etat est notamment concrétisé par l’examen médical auquel sont soumises les futures recrues. Ainsi est apte au service la personne qui, du point de vue médical, satisfait physiquement, intellectuellement et psychiquement aux exigences du service militaire, respectivement du service de la protection civile et qui, dans l’accomplissement de ces services, ne nuit pas à sa santé ni à celle d’autrui.

Une violation de l’art. 3 CEDH n’apparaît ainsi pas d’entrée de cause exclue. En effet, vu le devoir de protection accrue s’imposant aux Etats en cas de service militaire obligatoire, il ne peut être exclu, au stade de la recevabilité, que la défaillance dont souffrait la victime ait été exacerbée par un traitement – en l’occurrence les activités physiques ordonnées durant l’école de recrues – dont les autorités peuvent être tenues pour responsables.

Partant, la qualité pour recourir doit être reconnue aux deux recourants.

  1. Invoquant notamment un établissement manifestement inexact des faits, ainsi qu’une violation du principe « in dubio pro duriore », les recourants reprochent à l’autorité précédente d’avoir considéré que les conditions de réalisation de l’infraction d’homicide par négligence (art. 1117 CP) ne seraient pas réalisées, notamment celle relative au lien de causalité naturelle et adéquate.

A la teneur de l’art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de la procédure, lorsque, parmi d’autres cas, aucun soupçon justifiant une mise en accusation n’est établi ou les éléments constitutifs d’une infraction ne sont pas réunis.

Le principe « in dubio pro duriore » découle du principe de la légalité. Il signifie qu’en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu’il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l’autorité de recours disposent, dans ce cadre, d’un pouvoir d’appréciation que le Tribunal fédéral revoir avec retenue. La procédure doit se poursuivre lorsqu’une condamnation apparaît plus vraisemblable qu’un acquittement ou lorsque les probabilités d’acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d’une infraction grave.

Aux termes de l’art. 117 CP, celui qui, par négligence, aura causé la mort d’une personne sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. La réalisation de cette infraction suppose la réunion de trois conditions : le décès d’une personne, une négligence et un lien de causalité entre la négligence et la mort.

Il faut tout d’abord que l’auteur, ait, d’une part, violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d’autre part, il n’ait pas déployé l’attention et les efforts que l’on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir. Pour déterminer concrètement les devoirs découlant de l’obligation de diligence, le juge peut se référer à des dispositions légales ou réglementaires régissant l’activité en cause, à des règles émanant d’associations privées ou semi-publiques reconnues ou encore se fonder sur les principes généraux pou une expertise. L’auteur viole les règles de la prudence s’il omet, alors qu’il occupe une position de garant et que le risque dont il doit empêcher la réalisation vient à dépasser la limite de l’admissible, d’accomplir une action dont il devrait se rendre compte, de par ses connaissances et aptitudes personnelles, qu’elle était nécessaire pour éviter un dommage. S’il y a eu violation des règles de la prudence, encore faut-il que celle-ci puisse être imputée à faute, c’est-à-dire que l’on puisse reprocher à l’auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, d’avoir fait preuve d’un manque d’effort blâmable.

Il faut ensuite qu’il existe un rapport de causalité entre la violation fautive du devoir de prudence et le décès de la victime. En cas de violation du devoir de prudence par omission, il faut procéder par hypothèse et se demander si l’accomplissement de l’acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s’est produit, pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée. Pour l’analyse des conséquences de l’acte supposé, il faut appliquer les concepts généraux de la causalité naturelle et la causalité adéquate. L’existence de cette causalité dite hypothétique suppose une très grande vraisemblance ; autrement dit, elle n’est réalisée que lorsque l’acte attendu ne peut pas être inséré intellectuellement dans le raisonnement sans en exclure, très vraisemblablement, le résultat. La causalité adéquate est ainsi exclue lorsque l’acte attendu n’aurait vraisemblablement pas empêché la survenance du résultat ou lorsqu’il serait simplement possible qu’il l’eût empêché.

Selon la jurisprudence, la particularité de l’art médical réside dans le fait que le médecin doit, avec ses connaissances et ses capacités, tendre vers le résultat désiré, mais n’a pas l’obligation de l’atteindre ou même de le garantir. Les exigences que le devoir de prudence impose au médecin dépendent des circonstances du cas d’espèce, notamment du genre d’intervention ou de traitement, des risques qui y sont liés, du pouvoir de jugement ou d’appréciation laissé au médecin, des moyens à disposition et de l’urgence de l’acte médical. La responsabilité pénale du médecin n’est pas limitée à la violation grave des règles de l’art médical. Il doit au contraire toujours soigner ses malades de façon appropriée et, en particulier observer la prudence imposée par les circonstances pour protéger leur vie ou leur santé. Par conséquent, le médecin répond en principe à tout manquement à ses devoirs.

Le médecin ne viole son devoir de diligence que lorsqu’il pose un diagnostic ou choisit une thérapie ou une autre méthode qui, selon l’état général des connaissances professionnelles, n’apparaît plus défendable et ne satisfait ainsi pas aux exigences de l’art médical. Les règles de l’art médical constituent des principes établis par la science médicale, généralement reconnus et admis, communément suivis et appliqués par les praticiens. Savoir si le médecin a violé son devoir de diligence est une question de droit : dire s’il existe une règle professionnelle communément admise, quel état du patient et comment l’acte médical s’est déroulé relève du fait.

Il y a lieu tout d’abord ‘examiner la condition de la violation du devoir de prudence. La Cour cantonale a reconnu que le Dr. X. avait une position de garant ; cette conclusion découlait de sa qualité de médecin-chef, de l’information reçue de son subordonné concernant les anomalies décelées à l’ECG de la victime (en particulier la mention « QT Verlängerung »), ainsi que de sa participation, le 10 novembre 2010, à une séance d’information sur les nouvelles recommandations d’interprétation des ECG et sur l’abaissement, dès le 1er mars 2011, des valeurs plafonds (de 500ms à 470 ms – en fait à 450 ms). Selon l’autorité précédente, le Dr. X.était ainsi conscient que le conscrit présentait, au moment de son recrutement, un QT long et en limitant son analyse aux antécédents familiaux sans ordonner un nouvel ECG, voire la consultation d’un spécialiste ou une analyse génétique – mesures préconisées par l’expert -, il passait outre son devoir de prudence.

S’agissant ensuite de la violation d’un devoir de prudence de la part du Dr. Y., la juridiction a laissé la question ouverte. Elle a cependant relevé qu’il avait constaté l’anomalie, puisqu’il avait soumis le cas à son supérieur ; vu l’expérience de ce dernier, le Dr. X. n’ayant commencé son activité dans le cadre du recrutement que le 3 janvier 2011, il n’avait donc pas ordonné de son propre chef des examens complémentaires, le Dr. X. ayant laissé entendre que l’on pouvait y renoncer. La Cour cantonale a également constaté que le Dr. Y. n’avait non plus pas connaissance de l’abaissement de la norme plafond envisagée. L’autorité précédente a cependant relevé que le Dr. Y. avait admis que, dans le civil, il aurait appelé un cardiologue pour déterminer si le patient présentait un risque cardiaque.

Les recourants reprochent tout d’abord à l’autorité précédente d’avoir omis le fait que le Dr. Y. aurait relevé deux anomalies, soit celle du segment ST, ainsi que celle du segment QT. La Cour cantonale a cependant retenu que c’était en raison des variations du segment T que le praticien avait soumis l’ECG à son supérieur. En tout état de cause, les recourants n’expliquent pas en quoi cela démontrerait que le Dr. Y. ne pouvait pas se fier à l’avis du médecin-chef.

Dans un deuxième grief, les recourants soutiennent que le Dr. Y. aurait failli à son devoir d’information. L’information médicale fait partie des obligations professionnelles générales du thérapeute, peu importe que celui-ci agisse en vertu d’un contrat de droit privé, en qualité de fonctionnaire ou d’employé de l’Etat. Il incombe au médecin de donner au patient, en termes clairs, intelligibles et aussi complets que possible, une information sur le diagnostic, la thérapie, le pronostic, les alternatives au traitement proposé, les risques de l’opération, les chances de guérison, éventuellement sur l’évolution spontanée de la maladie et les questions financières, notamment relatives à l’assurance. Ces informations – en tant que préalables nécessaires – doivent permettre au patient de se prononcer sur le traitement proposé en toute connaissance de cause et ainsi de pouvoir donner un consentement libre et éclairé.

En l’occurrence, la victime n’a pas été avertie des résultats de son ECG. Certes, un diagnostic définitif n’a pas été établi au moment du recrutement. Il est toutefois incontesté que l’ECG a mis en évidence – ainsi que l’ont remarqué les deux praticiens à qui il a été soumis – un syndrome de QT long, défaillance dont les conséquences ne sont pas anodines.

On ne voit toutefois pas quel motif particulier justifierait en l’espèce de ne pas informer le patient – qui ignorait tout de cette problématique – des résultats de son ECG et du diagnostic pouvant en découler. Certes, l’intimé Dr. Y. relève à juste titre que le médecin du recrutement n’a pas à procéder à un bilan de santé complet d’un patient. Cela étant, si on ne peut exiger que des mesures supplémentaires en lien avec l’ECG soient prises dans le cadre militaire où lesdits résultats étaient alors conformes aux normes permettant de déclarer une recrue apte au service, on peut cependant attendre du médecin ayant analysé les résultats qu’il en informe l’intéressé et, le cas échéant, lui conseille une consultation, notamment chez un spécialiste. Dans l’ignorance de son état, la victime s’est trouvée par conséquent dans l’impossibilité de prendre les mesures nécessaires notamment pour faire confirmer le diagnostic envisagé et, le cas échéant, pour diminuer les risques pouvant en découler. On s’étonne d’autant plus de l’absence d’information que les médecins en cause, s’ils avaient identifié un T long, ignoraient en revanche de quel type il s’agissait. Tant qu’un diagnostic définitif n’est pas établi mais qu’une suspicion de syndrome grave existe, le principe de prudence paraît imposer de prendre toutes les mesures possibles, la première étant d’informer le patient, en particulier si des précautions – par exemple en cas d’activités physiques qui sortiraient du cadre habituel des sports peut-être pratiqués – doivent être suivies. Ce devoir de prudence s’impose d’autant plus que les recrues ne revoient en principe pas les médecins du recrutement, à l’inverse peut-être d’un médecin de famille ; celui-ci semble mieux à même de suivre l’évolution de soupçons dans l’hypothèse où il serait admissible qu’il ne les partage pas immédiatement avec son patient.

Il y a lieu au demeurant de relever que cette violation des devoirs de prudence – par le défaut de toute information – est indépendante de l’éventuelle aptitude au service et/ou de la question de lien de causalité telle qu’examinée dans l’arrêt attaqué, puisqu’il s’agit alors de déterminer si une information, respectivement une consultation subséquente que dite information aurait induite et/ou des moyens thérapeutiques, auraient pu éviter l’arrêt cardio-circulatoire du syndrome QT long 3 dont souffrait la victime. Mis à part les quelques mesures indiquées par l’expert lors de son auditions et rappelées ci-dessus, cette problématique n’a pas été examinée plus en détail et, par conséquent, une interpellation de celui-ci sur cette question, notamment les traitement qui auraient pu être envisagés, s’impose.

En ne se prononçant pas sur la problématique du défaut d’information à la victime, respectivement la possible position de garant détenue par le Dr. Y., la Cour cantonale viole le droit fédéral et ce grief doit être admis.

  1. Il y a ensuite lieu d’examiner la question du lien de causalité, nié par l’autorité précédente, entre la décision déclarant la victime apte au service militaire et son tragique décès lors de l’école de recrue.

A cet égard, la juridiction précédente a relevé que les deux médecins mis en cause ont constaté un allongement du QT, mais qu’ils n’ont pas entrepris d’analyses complémentaires permettant de spécifier de quel type de syndrome souffrait le conscrit et l’ont déclaré apte au service. Elle a ensuite relevé que l’autopsie et l’analyse génétique moléculaire avaient permis de poser le diagnostic de syndrome de QT long de type 3 ; selon l’expert, le décès des personnes affectées d ce syndrome particulier intervenait dans les phases de repos et n’était pas en lien avec une activité physique particulière ou le stress. A cet égard, la Cour cantonale a relevé que la victime avait été dispensée d’efforts physiques le jour précédent son malaise et qu’il était assurément stressé et fatigué (cf. les messages échangés avec sa mère et sa demande d’entretien adressée au psychologue militaire), la probabilité médicale d’un lien entre ces différents éléments et l’arythmie cardiaque dont il avait été victime était inférieure à 10%.

L’autorité précédente a donc nié l’existence d’un lien de causalité entre le fait que les deux médecins militaires avaient jugé la victime apte au service militaire et son décès ; en effet, indépendamment de la négligence qui pourrait être reprochée – notamment au Dr. X. – les mesures qui auraient pu être préconisées auraient tout au plus permis de supprimer ou de limiter les efforts physiques du conscrit, mais n’auraient selon toute vraisemblance pas permis d’éviter directement le décès de la victime durant son sommeil.

En application du principe « in dubio pro duriore », ce raisonnement ne pourrait être suivi. En effet, il se limite à exclure un lien entre les activités physiques effectuées durant les premiers jours de l’école de recrue et le décès de la victime. Tel aurait pu être le cas s’il n’était pas établi que la victime avait rencontré d’importantes difficultés durant ces pratiques sportives.

En effet, si la probabilité d’un lien entre les activités sportives et le décès intervenu durant la nuit est faible en cas de syndrome QT long de type 3, elle n’est pas inexistante (10% selon l’expert). L’expert a d’ailleurs expliqué lors de son audition qu’une activité physique – citant un marathon – pouvait déclencher une hypokaliémie (manque de potassium), ce qui allait allonger le QT et probablement provoquer des arythmies ; l’hypokaliémie pourrait notamment être provoquée par un vomissement. Or la victime – dont on ignore tout de sa condition physique en l’absence de constatations cantonales sur cette problématique, les quelques mentions à cet égard dans son dossier militaire (tennis, vélo, voire football américain) ne permettant nullement de l’évaluer – a dû effectuer une première course de 4’800 mètres le 2 juillet 2012 ; lors de celle-ci, elle a connu d’importantes difficultés (respiration difficile, deux pauses nécessaires, transpiration abondante) et elle a vomi. Cette situation – mis à part la distance parcourue) ne paraît pas différente de celle donnée à titre d’exemple par l’expert ; cela vaut d’autant plus qu’il ne peut être exclu que l’effort consenti par la victime, pourrait, à son niveau et selon sa condition physique, correspondre à celui fourni par un marathonien. A l’exception du vomissement, ces problèmes (de respiration et de transpiration) se sont répétés lors de la course du 5 juillet 2012, durant laquelle la victime a de plus souffert de crampes. Si l’expert exclut tout lien entre les activités physiques et l’arrêt cardio-circulatoire, il ne se prononce en revanche pas sur la question de savoir si les problèmes rencontrés lors de ces activités physiques part la victime pourraient être en lien avec le syndrome dont elle souffrait et, les cas échéant, auraient pu contribuer à l’issue fatale, ce peut-être malgré la dispense de sport le dernier jour. L’expert n’examine au demeurant pas non plus les ronflements et apnées marquantes durant le sommeil lors de la période de garde effectuée par la victime.

Ces interrogations quant aux impacts qu’auraient pu avoir les activités sportives pratiquées par une personne souffrant d’un QT long type 3 sont d’autant plus légitimes que l’expert préconise notamment d’éviter les sports intenses, notion qu’il convient assurément d’apprécier en fonction de l’état de santé tant physique que psychique d’une personne.

Au regard des considérations précédentes, le raisonnement tenu par l’autorité précédente – qui ne prend pas en compte les difficultés physiques rencontrées par la victime – ne saurait donc être suivi et ce grief doit être admis. Il s’ensuit que la Chambre des recours pénale ne pouvait, sauf à violer l’art. 319 al. 1 let. B CPP et le principe « in dubio pro duriore », confirmer le classement ordonné par le Ministère public.

 

  1. Les recourants se plaignent du rejet de leur réquisition de preuve tendant une contre-expertise judiciaire.

Dès lors que l’instruction doit être complétée – notamment par l’interpellation de l’expert -, il n’y a pas lieu d’examiner ce grief et les recourants pourront, les cas échéant, réitérer leur demande dans le cadre du renvoi.

  1. Les recourants reprochent encore à l’autorité précédente le rejet de leurs conclusions tendant à la mise en prévention des supérieurs hiérarchiques des prévenus en charge de l’organisation des visites médicales du recrutement de 2011 et/ou en charge de l’application des nouvelles recommandations de l’armée pour l’interprétation des ECG. Ils soutiennent à cet égard que ceux-ci auraient eu la responsabilité de veiller à ce que les directives entrées certes uniquement en vigueur le 1er mars 2011 – et abaissant la valeur limite – soient également applicables aux recrues qui n’avaient pas débuté leur service militaire.

La Chambre des recours pénale a cependant retenu que les autres médecins du recrutement et les supérieurs hiérarchiques des deux docteurs en cause n’avaient pas eu connaissance de l’ECG de la victime, constatation que ne remettent pas en cause les recourants. Partant, dans l’ignorance d’une éventuelle problématique – qui ne l’était d’ailleurs pas au moment du recrutement vu les valeurs limites alors en vigueur – on ne voit pas quel reproche pourrait être retenu à l’encontre de ces personnes. Ce grief peut par conséquent être écarté.

  1. Il s’ensuit que le recours est admis. L’arrêt attaqué est annulé en tant qu’il confirme le classement de la procédure à l’encontre des Dr. X. et Y. 

 Pour ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

  1. Le recours est admis. L’arrêt du 5 décembre 2016 est annulé et la cause est renvoyée est l’autorité cantonale pour nouvelle décision.
  2. Une indemnité de dépens, arrêtée à CHF 3’000.- est allouée aux recourants, à la charge du canton de Vaud et des intimés, solidairement entre eux.
  3. Les frais judiciaires, fixés à CHF 3’000.-, sont mis à la charge des intimés, solidairement entre eux.
  4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

05.12.2017 :  Transmission à notre avocat par la Chambre des recours pénale de son arrêt du 9 novembre 2017.

Suite à la décision du Tribunal fédéral, la Chambre des recours pénale prononce que :

  1. Le recours est admis.
  2. L’ordonnance du 29 août 2016 est annulée et le dossier de la cause renvoyée au Ministère public central, division affaires spéciales, pour qu’il procède dans le sens des considérants.
  3. Les frais de la procédure de recours de CHF 2’750.- sont laissés à la charge de l’Etat.
  4. Un montant de CHF 2’592.- est alloué aux plaignants, solidairement entre eux, à titre d’indemnité pour la procédure de recours, à la charges des Dr. X. et Y., solidairement entre eux.
  5. L’arrêt est exécutoire.

08.12.2017 :  Courrier de notre avocat au Procureur vaudois. En substance, au vu de son classement d’août 2016 et de l’arrêt du Tribunal fédéral de novembre 2017, nous nous demandons s’il dispose toujours de l’impartialité nécessaire pour continuer et compléter l’instruction de la cause. Par conséquent, nous requérons qu’il se détermine sur ce point.

En outre, compte tenu des nombreuses contradictions de l’expert médical dans son expertise et lors de son audition, de son clair parti pris en faveur des prévenus, nous considérons qu’il a perdu toute crédibilité et ne revêt pas les qualités nécessaires pour répondre aux questions complémentaires soulevées par le Tribunal fédéral. En conséquence, nous demandant que cette mission soit confiée à un autre expert. Nous sollicitons que les parties soient admises à se déterminer sur ce point et à proposer des noms d’experts à même de mener à bien cette expertise. Nous proposons le nom d’un Professeur français considéré comme l’un des meilleurs spécialistes mondiaux des problèmes du rythme cardiaque.

13.12.2017 : Courrier du Procureur vaudois à notre avocat. Il lui demande s’il doit considérer le courrier du 8 décembre 2017 comme une demande de récusation.

21.12.2017 : Courrier de notre avocat au Procureur vaudois.Il lui indique que nous n’avons jamais évoqué la révocation et constate qu’il n’a pas répondu à notre question du 8 décembre 2017 quant à son impartialité.

10.01.2018 : Courrier du Procureur vaudois à notre avocat. Il prend note que nous ne demandons pas sa récusation (continuant à ne pas répondre à notre question) et demande si nous requérons celle de l’expert médical.

22.01.2018 : Courrier de notre avocat au Procureur vaudois. Il confirme notre demande de récusation de l’expert.

23.01.2018 : Courrier du Procureur vaudois à la Chambre des recours pénale pour l’informer que nous demandons la récusation de l’expert.

24.01.2018 :   Courrier de la Chambre des recours pénale à l’expert afin qu’il puisse se déterminer, s’il le souhaite, sur notre demande de récusation.

30.01.2018 :  Courrier de l’avocat du Dr. X. à la Chambre des recours pénale afin que notre demande de récusation soit rejetée. Il argumente que notre requête est bien trop tardive et ne contient aucun élément factuel qui correspond aux motifs de récusation de l’art. 56 du Code de procédure pénale.

05.01.2018 : Courrier de notre avocat à la Chambre des recours pénale faisant suite au courrier précédent. Il précise que notre demande de récusation porte exclusivement sur la mission complémentaire d’expertise et qu’il n’est pas question de refaire ou de remplacer l’expertise existante.

05.02.2018 :  Transmission par la Chambre des recours pénale à notre avocat des déterminations de l’expert, suite à une notre demande de récusation. Dans les grandes lignes, il affirme avoir conduit son expertise avec bonne foi et en toute impartialité. Compte tenu du contexte tragique de ce dossier, il n’a cependant aucune opposition à ce que celui-ci soit transféré à un autre expert.

15.02.2018 :  Réception par notre avocat de l’arrêt de la Chambre des recours pénale du 7 février 2018 concernant notre demande de récusation. Il est prononcé que :

  1. La demande de récusation présentée le 8 décembre 2017 contre l’expert est irrecevable (étant jugée trop tardive).
  2. Les frais de la procédure de récusation, par CHF 660.-, sont mis à la charge des plaignants, par moitié chacun et solidairement entre eux.
  3. La décision est exécutoire.

15.02.2018 : Avis aux parties émanant du Procureur vaudois :

«  Maîtres,

 Après réexamen du dossier précité suite au retour de la Chambre des recours pénale, il m’apparaît que l’action pénale à l’encontre des prévenus pourrait être prescrite. Dans sa teneur en vigueur au moment des faits reprochés aux prévenus et jusqu’au 31 décembre 2013, l’art. 97 al. 1 let. a CP (Code pénal) prévoyait un délai de prescription de sept ans. Il semble qu’en vertu du principe de la lex mitior, c’est ce délai de sept ans et non celui de 10 ans prévu par le texte actuel qui devrait être appliqué. Or, les faits en cause remontent au 10 février 2011 et, selon l’art. 98 let. a CP, le point de départ de la prescription est le jour où l’auteur a exercé son activité coupable.

Au vu de ce qui précède, je souhaite recueillir vos déterminations à propos de la prescription de l’action pénale avant de procéder à de nouvelles opérations d’enquête. Une réponse d’ici au 5 mars m’obligerait ».

A la demande des parties, ce délai est repoussé au 20 mars 2018.

22.03.2018 :  Courrier de l’avocat du Dr. Y. au Procureur vaudois pour l’informer que l’action pénale s’est irrémédiablement prescrite le 11 février 2018.

26.03.2018 :  Courrier de l’avocat du Dr. X. au Procureur vaudois pour l’informer, qu’indépendamment du fait que son client ne porte aucune responsabilité pénale dans cette affaire, le constat selon lequel l’action pénale est prescrite s’impose.

26.03.2018 :  Courrier de notre avocat au Procureur vaudois.

Sur la base d’arguments juridiques complexes développés par le Tribunal fédéral, il affirme que l’ordonnance de classement d’août 2016 prononcée par le Procureur vaudois a interrompu la prescription.

De plus, il considère que la mise en prévention des prévenus devra être complétée sur la base de l’art. 127 du Code pénal suisse, soit mise en danger de la vie ou de la santé d’autrui, la prescription pour cette infraction arrivant à échéance le 10 février 2026.

19.04.2018 : Transmission par le Procureur vaudois à notre avocat d’un avis de prochaine clôture. Il y est précisé qu’il entend rendre une ordonnance de classement pour homicide par négligence et que les frais de la procédure pourraient être mis à la charge des deux médecins.

Un délai au 9 mai 2018, repoussé à la demande des avocats de la défense au 11 juin 2018, est laissé pour d’éventuelles réquisitions de preuve.

09.05.2018 :  Courrier de notre avocat au Procureur vaudois. Nous réitérons notre opposition au prononcé d’une ordonnance de classement, pour les motifs déjà exposés, et requérons que les actes d’instruction complémentaire ordonnés par le TF et la Chambre de recours pénale sont effectués.

09.05.2018 :  Courrier de notre avocat au Procureur vaudois. Bien qu’opposés au classement de l’affaire mais dans l’hypothèse où celui-ci est prononcé, nous déposons, dans le délai imparti, une requête en indemnisation de nos dépenses obligatoires occasionnées par la précédente procédure.

En substance, nous demandons au Ministère public de condamner les Dr. X. et Y., pris conjointement et solidairement, à nous verser la somme de CHF 95’415.- représentant nos frais d’avocat, plus intérêts à 5%, dès le prononcé de la décision du Ministère public, à titre d’indemnité au sens de l’art 433. Al. 1 let. b CPP.

11.06.2018 :  Courrier de l’avocat du Dr. X. au Procureur vaudois. Selon lui, force est de constater que le complément d’instruction imposé par le Tribunal fédéral n’a plus lieu d’être, compte tenu de la prescription de l’action pénale. Dans ces circonstances, un nouveau classement s’impose, à ce stade déjà.

L’avocat rappelle une nouvelle fois que le Dr. X. n’a rien à se reprocher dans cette affaire et que si le Ministère public devait néanmoins astreindre son client à la prise en charge des frais, la décision devrait être limitée aux frais de procédure arrêtés dans l’ordonnance de classement du 29 août 2016, vu qu’il ne s’y est pas opposé et qu’il n’est pas à l’origine de tous les actes procéduraux subséquents.

Par ailleurs, son client fait valoir, à titre d’indemnité pour l’exercice raisonnable de ses droits de procédure, le montant de ses frais d’avocat, soit CHF 23’922.45.

Toujours selon l’avocat, le Dr. X. ne devrait légalement pas être soumis au paiement de nos frais d’avocat. Si toutefois cela devrait être le cas, il demande à ce que la note de frais et d’honoraires déposée par nos soins soit réexaminée, notamment en raison du tarif horaire de notre Conseil.

11.06.2018 :  Courrier de l’avocat du Dr. Y. au Procureur vaudois. En application de l’art. 429 al. 1 let. a CPP, il demande que son client se voie allouer une indemnité à hauteur du montant total de ses honoraires et débours, soit CHF (?)

A ce jour, alors que cela fait déjà près de 10 mois que le Procureur nous a fait part de sa volonté de clôturer une nouvelle fois le dossier, l’action pénale étant selon lui prescrite, nous attendons toujours son ordonnance de classement. Une fois sa décision (qui ne saurait être autre) connue, nous comptons bien déposer un nouveau recours.